L'acquisition de parts indivises par un époux en participation aux acquêts - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Recueil Dalloz Année : 2016

L'acquisition de parts indivises par un époux en participation aux acquêts

Laurence Mauger-Vielpeau

Résumé

En l'espace de quelques mois, la première chambre civile de la Cour de cassation aura eu à se prononcer à deux reprises sur le régime matrimonial de la participation aux acquêts, tranchant des difficultés majeures alors même que celui-ci, peu usité, donne lieu à un faible contentieux.

L'arrêt commenté offre à la Cour de cassation la possibilité de prendre parti sur une question juridique inédite. Il s'agit donc d'un arrêt de principe en la matière.

Ainsi, des époux, mariés sous le régime de la participation aux acquêts, ont divorcé par jugement du 13 octobre 2006. Puis ils ont entrepris de liquider et de partager leurs intérêts patrimoniaux. N'ayant pu aboutir à un accord, l'un d'eux a saisi le juge aux affaires familiales pour trancher les difficultés subsistantes. À ce titre, le sort d'un bien a particulièrement été discuté et se retrouve au cœur de l'arrêt. Il s'agit d'une maison de famille acquise par l'épouse pendant le mariage. Celle-ci a d'abord reçu le quart indivis de l'immeuble dans le cadre de la succession de son père ; puis elle a acheté les trois quarts restants à ses frères et sœur au moyen d'un emprunt qu'elle a souscrit. Enfin, la maison a été revendue en 2010 pour le prix de 180 000 €.

L'enjeu est de déterminer si cette acquisition peut ou non engendrer une créance de participation au profit de son époux.

Rappelons à ce sujet que le régime de la participation aux acquêts, conformément à l'article 1569, alinéa 1er, du code civil, fonctionne pendant la durée du mariage comme si les époux étaient séparés de biens et qu'à sa dissolution, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets réalisés par l'autre époux, constatés dans son patrimoine et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final. C'est seulement si le second est supérieur au premier qu'il y a participation.

Selon qu'elle engendre ou non une créance de participation, l'acquisition litigieuse sera donc comptabilisée dans l'un ou l'autre des deux patrimoines de l'épouse.

En l'espèce, les juges du fond ont considéré, en application de l'article 1408 du code civil, que « l'acquisition faite de la portion d'un bien dont un des époux était propriétaire indivis ne constitue pas un acquêt, de sorte que cette acquisition ne peut engendrer aucune créance de participation au profit de l'autre époux ». Ils ont donc fait figurer à l'actif du patrimoine originaire de l'épouse la somme de 180 000 € correspondant à la valeur, au jour de son aliénation, de la totalité du bien.

La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel sur ce point, au visa des articles 1570 et 1578 du code civil, précisant que la cour d'appel a violé ces textes car « les trois quarts indivis dont Mme X avait fait l'acquisition pendant le mariage ne constituaient pas des biens propres par nature et n'avaient pas été obtenus par succession ou libéralité ».

Si la haute juridiction estime que les trois quarts indivis de la maison ne devaient pas figurer au patrimoine originaire de l'épouse, elle considère, en revanche, que le bien devait être comptabilisé à son patrimoine final. C'est pourquoi elle casse aussi l'arrêt d'appel sur cette question. En effet, les juges du fond, considérant que « l'acquisition faite de la portion d'un bien dont un des époux était propriétaire indivis ne constitue pas un acquêt de sorte que cette acquisition ne peut engendrer aucune créance de participation au profit de l'autre époux », l'ont intégré au seul patrimoine originaire de l'épouse. La Cour de cassation, au visa des articles 1572 et 1574 du code civil, décide au contraire « que font partie du patrimoine final tous les biens qui appartiennent à l'époux au jour où le régime matrimonial est dissous, estimés d'après leur état à l'époque de la dissolution du régime matrimonial et d'après leur valeur au jour de la liquidation de celui-ci ».

Par ailleurs, l'arrêt d'appel est cassé pour déni de justice dans la mesure où la cour d'appel a laissé au notaire le soin, au vu des dispositions du contrat de mariage, de procéder, le cas échéant, à la revalorisation des créances qui seront portées à l'actif du patrimoine final de l'épouse et au passif de celui de l'époux. En « se dessaisissant et en déléguant ses pouvoirs au notaire liquidateur, alors qu'il lui incombait de trancher elle-même la contestation dont elle était saisie, la cour d'appel a méconnu son office » et violé l'article 4 du code civil. C'est redire aux magistrats qu'ils ne peuvent déléguer leurs pouvoirs au notaire liquidateur. Même si la matière leur semble aride, particulièrement en cas de participation aux acquêts, ils doivent trancher l'ensemble des questions liquidatives, y compris celle de la revalorisation des créances.

Revenons au cœur de l'arrêt : l'acquisition par l'épouse au cours du mariage de parts indivises de la maison de famille. Cette opération a mené à une cassation partielle de l'arrêt d'appel, tant les juges du fond ont retenu une solution opposée à celle préconisée par la Cour de cassation. La divergence d'interprétations entre les magistrats s'explique par la différence de point de vue de chacun. Les premiers ont raisonné comme en régime de communauté réduite aux acquêts, alors que les seconds ont pris en compte la spécificité du régime de la participation aux acquêts. C'est pourquoi la solution retenue par la haute juridiction doit, à notre sens, être approuvée. Pour mieux comprendre, il faut reprendre leurs raisonnements et reconstituer le patrimoine originaire (I) puis le patrimoine final (II) de l'épouse.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-02215556 , version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02215556 , version 1

Citer

Laurence Mauger-Vielpeau. L'acquisition de parts indivises par un époux en participation aux acquêts. Recueil Dalloz, 2016, 30, pp.1803-1807. ⟨halshs-02215556⟩
49 Consultations
0 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More