La QPC sur la cession gratuite de terrain ou la suite du dialogue de sourds entre les hautes juridictions françaises - HAL Accéder directement au contenu
Article dans une revue Recueil Dalloz Année : 2011

La QPC sur la cession gratuite de terrain ou la suite du dialogue de sourds entre les hautes juridictions françaises

Elise Carpentier
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 838090

Résumé

La décision Société Esso SAF, par laquelle le Conseil constitutionnel a abrogé la disposition du code de l'urbanisme instituant la cession gratuite de terrain, s'inscrit assez évidemment dans le regrettable dialogue de sourds entre les Hautes juridictions françaises auquel nous assistons depuis l'entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), lequel a d'ailleurs justifié la commande par le président de l'Assemblée nationale d'un rapport d'évaluation du nouveau mécanisme, moins de six mois après sa « mise en service »(1).

Il faut dire que la Cour de cassation a, depuis le 1er mars, pris quelques décisions qui n'ont pas laissé les acteurs et les observateurs de la QPC indifférents. Que l'on songe, par exemple, au désormais célèbre arrêt du 16 avril, ayant suscité des réactions immédiates - outre de la doctrine - des deux juridictions du Palais-Royal, et à celui du 29 juin, à la suite de « l'arbitrage » de la Cour de Luxembourg(2) ; à la non-transmission au Conseil constitutionnel de la question de la conformité à la Constitution de la disposition de la loi du 13 juillet 1990 (dite « loi Gayssot ») instaurant le délit de contestation de crimes contre l'humanité(3) ; au refus de renvoyer des questions portant non sur une disposition législative à proprement parler, mais sur l'interprétation qu'en donne la Cour de cassation(4) ; aux décisions refusant de transmettre des questions concernant les lois déjà abrogées, que se sont empressées de contredire, en chœur, les deux hauts conseils du Palais-Royal(5) ; ou, encore, à la toute récente décision condamnant, à la suite de la Cour de Strasbourg, les régimes dérogatoires de garde à vue, alors que le Conseil constitutionnel venait de les mettre hors de cause(6)...

Bien que toutes ces prises de position de la Cour de cassation n'aient pas été absolument dénuées de fondement, les pouvoirs publics n'ont pas tardé à les lui faire payer, en supprimant - d'une façon bien cavalière mais à laquelle le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé à redire - la formation qui avait été spécialement créée en son sein pour statuer sur les QPC(7). C'est dire le niveau de tension, ou au moins d'incompréhension, qui règne à l'heure actuelle entre le Quai de l'Horloge et les autres institutions de la République, en particulier l'aile Montpensier du Palais-Royal. Et force est de reconnaître que la QPC sur la cession gratuite de terrain ne révèle pas une meilleure entente entre les Hautes juridictions françaises.

La cession gratuite de terrain est un mécanisme prévu par le code de l'urbanisme (art. L. 332-6-1, 2°, e), en vertu duquel le bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme peut être contraint de céder à l'administration une portion du terrain d'assiette du projet autorisé, à certaines conditions mais sans indemnisation. Bien que le Conseil d'Etat l'ait, il y a quelques années, estimée compatible avec le droit au respect des biens inscrit à l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme(8), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé sérieuse la question de la conformité de cette participation d'urbanisme au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 du même texte(9). La question ne manquait pas de pertinence, mais c'est cette fois du Conseil constitutionnel qu'est venue la surprise. Celui-ci a en effet choisi d'invalider la cession gratuite de terrain sur le fondement, plutôt inattendu, de l'incompétence négative du législateur (I), puis d'éluder, purement et simplement, la question qui lui était posée (II)(10).

Domaines

Droit
Loading...
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-02212247, version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02212247 , version 1

Citer

Elise Carpentier. La QPC sur la cession gratuite de terrain ou la suite du dialogue de sourds entre les hautes juridictions françaises. Recueil Dalloz, 2011, 02, pp.136-140. ⟨halshs-02212247⟩
51 Consultations
0 Téléchargements
Dernière date de mise à jour le 07/04/2024
comment ces indicateurs sont-ils produits

Partager

Gmail Facebook Twitter LinkedIn Plus