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Article dans une revue Recueil Dalloz Année : 2009

Erreur sur la substance : restauration ne vaut pas transformation

Résumé

[Cour de cassation, 1re civ. 30-10-2008 07-17.523].
1 - A l'heure où il est encore question de relancer le marché de l'art national qui n'arrive toujours pas à se hisser au niveau de ses concurrents anglo-américains(1) et se trouve fragilisé, comme de nombreux autres, par la crise mondiale, la question de l'annulation de la vente d'une table pour erreur sur son authenticité peut sembler futile et éculée.

2 - Il faut pourtant dépasser cette première impression car l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 30 octobre 2008, apporte des éléments importants et nouveaux à cette question juridique. D'emblée, il faut noter un durcissement de la Haute juridiction en la matière à la faveur des acquéreurs d'objets d'art en vente aux enchères publiques qui peuvent obtenir plus largement tant l'annulation de la vente que la mise en cause des professionnels intervenant dans le cadre de ces ventes.

3 - Ainsi, lors d'une vente aux enchères publiques, organisée le 14 décembre 2001(2) par la société Daguerre et dirigée par un commissaire-priseur, assisté d'un expert, des époux se sont retrouvés acquéreurs d'une table mise en vente à la demande de la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques. Le catalogue de la vente l'a présentée comme suit : « Table à écrire en marqueterie Boulle et placage ébène. Elle s'ouvre à deux tiroirs sur les côtés et repose sur des pieds fuselés. Riche ornementation de bronze ciselé et doré à décor masques rayonnants, rosaces, frises de fleurs et de feuilles, sabots feuillagés. Estampillé C. I. Dufour et J. M. E., époque Louis XVI (accidents et restaurations). H. 79 cm. L. 93 cm. P. 63 cm, mise à prix » 9/12 000 €(3). Ayant ensuite découvert que la table avait fait l'objet de réparations à partir d'éléments postérieurs, les acheteurs ont demandé l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles, et recherché la responsabilité du commissaire-priseur et de l'expert.

4 - Les juges du fond les ont déboutés de leurs demandes. En effet, le tribunal de grande instance de Paris, dans son jugement du 13 octobre 2005, et la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 12 juin 2007, ont considéré qu'ils ne pouvaient obtenir satisfaction pour plusieurs raisons.

Bien que le rapport de l'expert judiciaire, désigné en 2002, ait fait état de restaurations et réparations intervenues au XIXe siècle, soit un siècle après celui indiqué au catalogue, les juges du fond ont considéré qu'il ne s'agissait que de réparations, et non d'une reconstitution du meuble. L'authenticité de ce dernier n'était donc pas remise en cause. En outre, les mentions du catalogue ont été jugées conformes à la réalité. Par ailleurs, « férus de ventes d'objets d'art », les acquéreurs assistés de leur expert personnel, et compte tenu de la modicité de la mise à prix, ne pouvaient pas se tromper. Enfin, le commissaire-priseur et l'expert n'avaient pas à les informer davantage car seul un démontage complet du meuble avait permis de déceler les réparations, démontage auquel ils n'étaient pas tenus.

5 - Ces divers arguments n'ont pas convaincu la Cour de cassation qui casse et annule l'arrêt d'appel, considérant que la table a été transformée au XIXe siècle. En conséquence, les mentions du catalogue étaient insuffisantes, donc non conformes à la réalité, et « avaient entraîné la conviction erronée et excusable des acquéreurs que bien que réparé et accidenté ce meuble n'avait subi aucune transformation depuis l'époque Louis XVI de référence ».

6 - Cet arrêt démontre une nouvelle fois l'importance du catalogue en matière de vente aux enchères publiques. Ce texte essentiel, qui constitue un véritable document contractuel(4), peut être la source tant de l'erreur de l'acheteur sur les qualités substantielles de l'objet qu'il acquiert (I) que de la responsabilité de ceux qui l'ont élaboré (II).

Domaines

Droit
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Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-02211291, version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02211291 , version 1

Citer

Laurence Mauger-Vielpeau. Erreur sur la substance : restauration ne vaut pas transformation. Recueil Dalloz, 2009, 14, pp.990-994. ⟨halshs-02211291⟩
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Dernière date de mise à jour le 21/04/2024
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