La Chambre criminelle et les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques - HAL Accéder directement au contenu
Article dans une revue Recueil Dalloz Année : 2007

La Chambre criminelle et les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

Résumé

[Cour de cassation, crim. 16-01-2007 06-82.381].
1 - Après la première Chambre civile(1) et la Chambre commerciale(2), c'est au tour de la Chambre criminelle de la Cour de cassation de se prononcer sur le nouveau contentieux généré par la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques(3). La décision en cause est intéressante d'un double point de vue. D'une part, la Chambre criminelle et, plus largement, les juridictions pénales ont peu l'occasion de se prononcer sur cette question. Il existe pourtant une infraction spécifique aux enchères publiques au sein du code pénal : le délit d'entrave à la liberté des enchères(4). D'autre part, cette matière, comme d'autres, s'inscrit dans un mouvement de spécialisation du droit(5) car, depuis la réforme de 2000, un véritable « droit des ventes aux enchères publiques » a émergé. Ce nouveau droit est le fruit tant de la loi du 10 juillet 2000 que de son interprétation par les diverses juridictions saisies, parmi lesquelles figure au premier plan la Cour de cassation. Ainsi, dans l'affaire commentée, la Chambre criminelle apporte des précisions non négligeables, notamment sur la notion de vente volontaire de meubles aux enchères publiques.

2 - Plus précisément, l'espèce est encore une illustration du « combat » que se livrent, depuis la réforme de 2000, le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (Conseil des ventes), qui constitue l'organe régulateur en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, et les huissiers de justice qui tentent de s'immiscer dans cette activité jadis réservée aux anciens commissaires-priseurs.

3 - En effet, l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peut désormais être exercée, à titre principal, par des sociétés de forme commerciale qualifiées de sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (sociétés de ventes). Ces sociétés sont constituées à cette fin puisque leur objet est « limité à l'estimation de biens mobiliers, à l'organisation et à la réalisation de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques »(6). Encore faut-il que celles-ci obtiennent, préalablement, un agrément du Conseil des ventes pour pouvoir exercer cette activité(7). Les sociétés de ventes qui organisent une ou plusieurs ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sans cet agrément, ou lorsque celui-ci a été suspendu ou retiré, encourent les sanctions pénales prévues à l'article L. 321-15 du code de commerce frappant tant les personnes physiques que les personnes morales(8).

4 - Cette compétence de droit commun des sociétés de ventes n'exclut pas celle des notaires et des huissiers de justice qui, conformément à l'article L. 321-2, alinéa 2, du code de commerce, partiellement réécrit par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités(9), peuvent organiser et réaliser des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques « à titre accessoire ». Dans ce cas, « cette activité est exercée dans le cadre de leur office et selon les règles qui leur sont applicables ».

5 - L'espèce ayant donné lieu à l'arrêt commenté concerne un huissier de justice qui est associé majoritaire au sein d'une société qu'il a créée. Ladite société (la SARL VPO : vente par ordinateur) a notamment pour objet statutaire l'organisation, la promotion et la réalisation de ventes volontaires de biens meubles corporels. Le 11 mars 2003, la société VPO a demandé un agrément au Conseil des ventes qui l'a refusé dans une décision n° 2003-466 du 24 avril 2003. Il a considéré que l'huissier en cause contrôlait la société VPO alors que son statut d'huissier de justice, auquel renvoie l'article L. 321-2, alinéa 2, du code de commerce, ne lui permettait pas d'exercer l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques au sein d'une société à responsabilité limitée. Conformément à l'article L. 321-23 du code de commerce, la société VPO a formé un recours contre cette décision de refus d'agrément devant la Cour d'appel de Paris qui a annulé la décision du Conseil des ventes dans un arrêt du 2 février 2004, estimant que les dispositions de l'article L. 321-2, alinéa 2, du code de commerce « ne font pas obstacle à ce qu'un huissier de justice ait la qualité d'associé, même majoritaire, d'une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ». Plutôt que de statuer sur la demande d'agrément de la société VPO, les juges du second degré ont préféré renvoyer l'affaire au Conseil des ventes pour qu'il procède à un nouvel examen de la demande. La société VPO a alors essuyé un second refus d'agrément dans une décision rendue le 22 avril 2004 par le Conseil des ventes. Elle a formé un nouveau recours devant la Cour d'appel de Paris qui a décidé de surseoir à statuer, dans un arrêt du 25 janvier 2005. « Le criminel tient le civil en l'état. » En effet, entre-temps, le Tribunal correctionnel de Grasse a été saisi par le procureur de la République. Trois personnes ont été poursuivies : l'huissier de justice, la société VPO et une autre société, la SARL Mouve, car la salle des ventes est parfois dénommée Mouve, d'autres fois VPO. Il leur a été reproché d'avoir procédé ou fait procéder de manière habituelle à des ventes aux enchères publiques sans agrément. Dans son jugement du 29 mars 2005, le tribunal correctionnel a ordonné leur relaxe. Le ministère public a interjeté appel. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence a rendu un arrêt le 8 février 2006. Elle a confirmé la relaxe de l'huissier et de la société Mouve. Pour le premier, elle a considéré que « si les dispositions de l'article L. 321-2 du code de commerce ne font pas obstacle à ce qu'un huissier de justice ait la qualité d'associé, même majoritaire, d'une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, encore faut-il qu'il n'en soit pas le dirigeant de fait », ce qu'il est manifestement en l'espèce. « Il organise ainsi par l'intermédiaire de VPO des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. » Mais, conformément à l'article L. 321-2, alinéa 2, un huissier de justice peut exercer cette activité « à condition qu'elle ne constitue qu'une activité accessoire au regard de l'ensemble des produits de l'office », ce qui correspond à la situation examinée puisqu'« il ressort de l'examen de la comptabilité de l'office [...] que le chiffre d'affaires représenté par les honoraires des ventes volontaires est inférieur à 10 % du chiffre d'affaires global de l'office ». Quant à la seconde, son activité est réduite à « la mise à disposition des moyens logistiques et humains pour permettre la réalisation des ventes » et aucun élément ne permet d'établir qu'elle a organisé à titre habituel des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. En revanche, la cour d'appel a infirmé la décision des premiers juges relative à la SARL VPO qu'elle a donc déclaré coupable car plusieurs éléments (l'objet social de la société et la publicité entourant les ventes) démontrent qu'elle constitue une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques au sens des articles L. 321-4 et suivants du code de commerce, et non « un simple outil informatique et de communication ».

6 - La société VPO a alors formé un pourvoi en cassation devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Dans son arrêt du 16 janvier 2007, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt d'appel pour manque de base légale au visa des articles L. 321-2, L. 321-3, L. 321-4 et L. 321-15 du code de commerce et de l'article 593 du code de procédure pénale en ses seules dispositions relatives à la Sarl VPO. Elle reproche aux juges du second degré de ne pas avoir répondu aux conclusions soutenant que l'huissier de justice « qui pratiquait licitement les ventes aux enchères publiques, avait seul la qualité de mandataire des propriétaires, qu'il procédait lui-même aux adjudications, et que la société VPO se bornait à fournir les moyens matériels de cette activité ».

7 - L'enjeu du litige subsistant consiste donc à déterminer le rôle de la société VPO et celui de l'huissier de justice dans la réalisation des ventes aux enchères publiques. Pour le savoir, il faut attendre la décision qui sera rendue par la juridiction de renvoi. Cela étant, le visa et l'attendu de principe de la décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation offrent déjà des pistes de réflexion à explorer. En effet, la Chambre criminelle considère que la personne qui organise et réalise des ventes aux enchères publiques doit agir comme mandataire des propriétaires et adjuger le(s) bien(s) au mieux-disant des enchérisseurs. C'est la définition même de la vente volontaire de meubles aux enchères publiques qui est en cause, que la décision commentée permet de revisiter. De même, en rappelant que les huissiers de justice ne peuvent procéder à ces ventes qu'à titre accessoire de leur activité principale, la Cour de cassation reprend le contenu d'une disposition législative qui suscite toujours de vives controverses et interrogations. Ainsi, après avoir envisagé la notion de vente volontaire de meubles aux enchères publiques (I), sera évoquée la compétence des huissiers de justice en la matière (II).

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Dates et versions

halshs-02210216, version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02210216 , version 1

Citer

Laurence Mauger-Vielpeau. La Chambre criminelle et les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Recueil Dalloz, 2007, 25, pp.1772. ⟨halshs-02210216⟩
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Dernière date de mise à jour le 21/04/2024
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