Le monopole des commissaires-priseurs après la réforme du 10 juillet 2000 - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Recueil Dalloz Année : 2006

Le monopole des commissaires-priseurs après la réforme du 10 juillet 2000

Résumé

[Cour de cassation, 1re civ. 29-11-2005 03-17.623].
1 - Depuis quelques années, l'est de la France est le théâtre d'une bataille judiciaire opposant les commissaires-priseurs aux huissiers de justice(1). Bien entendu, le conflit n'est pas strictement local et intéresse l'ensemble des professionnels concernés(2). L'enjeu est de taille : il s'agit de déterminer la compétence territoriale des huissiers de justice et des notaires(3) en matière de ventes aux enchères publiques de meubles corporels depuis la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques(4).

2 - Rappelons que cette loi a été adoptée sous l'impulsion de la Commission européenne. Le monopole des commissaires-priseurs empêchait alors des sociétés d'autres pays européens d'organiser des ventes aux enchères sur le territoire national, ce qui a été jugé incompatible avec l'article 49 du traité de Rome relatif au principe de la libre prestation de services dans l'Union européenne(5). En définitive, la loi du 10 juillet 2000 a profondément réformé la profession de commissaire-priseur en la scindant en deux. Depuis lors, les commissaires-priseurs n'existent plus. Ne subsistent que, d'une part, les commissaires-priseurs judiciaires qui sont chargés de réaliser les ventes judiciaires de meubles aux enchères publiques et, d'autre part, les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques habilitées à organiser les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques(6).

Il faut toutefois préciser que ces sociétés de ventes doivent comprendre parmi leurs dirigeants, leurs associés ou leurs salariés, au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente(7)... L'article 54 de la loi du 10 juillet 2000 précise que les anciens commissaires-priseurs remplissent cette condition de qualification. Dans une recommandation du 14 mars 2002, le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a suggéré que ces personnes soient appelées « commissaires-priseurs habilités »(8). Pour autant, il faut se garder de les confondre avec les commissaires-priseurs judiciaires en charge des seules ventes aux enchères publiques judiciaires. De même, ces personnes dirigent les ventes au nom et pour le compte de la société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, seule habilitée à organiser et à réaliser des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

3 - Cette nouvelle dualité a fait surgir une question juridique d'importance : qu'est devenu l'ancien monopole territorial des commissaires-priseurs en matière de ventes aux enchères publiques ? Plus précisément, dans quels lieux les huissiers de justice et les notaires peuvent-ils encore réaliser de telles ventes ?

La présente affaire en est une illustration(9). En l'espèce, il s'agissait de la vente de meubles appartenant à une incapable placée sous la tutelle de l'Union départementale des associations familiales (Udaf) de la Meuse. Cette dernière a été autorisée, par une ordonnance du juge des tutelles du 24 juillet 2002, à, notamment, faire vendre les meubles meublants de l'incapable « par l'intermédiaire du commissaire-priseur, ou de l'officier public ou ministériel de son choix ». Par lettre recommandée du 18 septembre 2002, un commissaire-priseur judiciaire de Bar-le-Duc a formé tierce opposition contre cette ordonnance, estimant que, comme la vente litigieuse devait avoir lieu à Bar-le-Duc, elle relevait de sa seule compétence. Le même jour, un huissier de justice procéda à la vente en cause. Puis le juge des tutelles déclara irrecevable la tierce opposition du commissaire-priseur judiciaire par ordonnance du 14 janvier 2003. Celui-ci a alors formé recours contre cette décision devant le Tribunal de grande instance de Bar-le-Duc et la Chambre régionale des commissaires-priseurs s'est jointe à la procédure.

Le jugement du 19 juin 2003 a considéré que la vente litigieuse relevait de la compétence exclusive d'un office de commissaire-priseur établi sur la commune de Bar-le-Duc, considérant que « les dispositions conjuguées » de plusieurs textes relatifs au statut des commissaires-priseurs et des huissiers de justice faisaient survivre « un interdit géographique à l'encontre de certains officiers ministériels au profit du ou des commissaires-priseurs de la place ». L'incapable représenté par son tuteur ayant formé un pourvoi en cassation contre cette décision, la première Chambre civile de la Cour de cassation casse et annule le jugement dans cet arrêt du 29 novembre 2005. Elle considère que le tribunal a violé les articles 29 de la loi du 10 juillet 2000 et 1er, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 novembre 1945, et adopte un attendu de principe particulièrement clair : « Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'interdiction faite aux huissiers de justice de procéder à des ventes dans les lieux où sont établis des commissaires-priseurs ne concerne que les ventes judiciaires qui sont celles prescrites par la loi ou par décision de justice. » Il s'agit d'un moyen relevé d'office après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du nouveau code de procédure civile. Cette précision permet de souligner l'importance du parti adopté par la première Chambre civile de la Cour de cassation dans cette décision sur cette question juridique qui fait l'objet d'autres procédures que celle examinée par la Haute cour. Il s'agit donc d'un arrêt de principe.

Pour mieux appréhender les contours de ce problème juridique, il convient de commencer par exposer ce problème (I), puis d'envisager les solutions permettant d'y remédier (II).
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-02209330 , version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02209330 , version 1

Citer

Laurence Mauger-Vielpeau. Le monopole des commissaires-priseurs après la réforme du 10 juillet 2000. Recueil Dalloz, 2006, 24, pp.1658. ⟨halshs-02209330⟩
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