Sommes indûment versées à une succession : dette de la succession ou répétition de l'indu ? - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Recueil Dalloz Année : 2001

Sommes indûment versées à une succession : dette de la succession ou répétition de l'indu ?

Résumé

[Cour de cassation, ch. mixte 12-05-2000 97-18.851].
Une nouvelle fois, la Cour de cassation est appelée à se prononcer sur la nature du recouvrement d'une rente indûment versée après le décès du crédirentier. S'agit-il d'une dette de la succession dont chaque cohéritier est tenu à hauteur de sa part ou faut-il raisonner selon le droit commun de la répétition de l'indu et ne réclamer le paiement qu'au seul héritier ayant perçu les fonds litigieux ?

En l'espèce, M. Eugène Goujon décède le 17 janvier 1989. Cependant, la CRAM (la Caisse Régionale d'Assurance Maladie Nord-Picardie) continue de verser jusqu'au 31 août 1989 sa pension de vieillesse sur un compte joint dont le défunt était titulaire avec son épouse. Celle-ci décède le 1er août 1989. La CRAM demande le remboursement des sommes indûment versées aux deux enfants, héritiers de la veuve, chacun à concurrence de la moitié. L'un d'eux, M. Evrard, refuse de s'exécuter. La Cour d'appel de Douai déboute la CRAM de son action en répétition aux motifs qu'il n'est pas établi que M. Evrard soit entré en possession des fonds. La Chambre mixte casse l'arrêt d'appel pour violation des art. 724 (1) et 1376 (2) c. civ.

Déterminer la nature du recouvrement du paiement indu revêt une importance particulière quand on s'intéresse aux conséquences attachées à cette qualification. En effet, s'il s'agit d'une dette de la succession, le créancier devra simplement prouver outre le paiement que les héritiers n'ont pas renoncé expressément à la succession, ni accepté sous bénéfice d'inventaire. A l'inverse, si l'on raisonne selon le droit commun de la répétition de l'indu, le créancier devra prouver que l'héritier à qui il réclame le remboursement a réellement perçu les fonds, preuve qui s'avère plus délicate que dans la première hypothèse.

En l'espèce, une difficulté supplémentaire apparaît. Les versements indus effectués par la CRAM mettent en cause non pas une seule succession mais deux puisque les versements ont perduré après le décès de l'épouse. La question qui se pose alors est de savoir s'il faut distinguer les versements effectués avant le décès de l'épouse de ceux réalisés après cette date afin de déterminer le fondement du recouvrement. La Cour de cassation opère cette distinction en décidant que l'épouse était débitrice des sommes versées sur son compte jusqu'à son décès et que, par conséquent, cette dette pesait sur sa succession et, selon la Haute juridiction, les sommes versées postérieurement au décès étaient tombées directement dans la succession de l'épouse.

Cette distinction met en lumière un nouvel élément : le moment du versement. Le fondement juridique du recouvrement ne serait pas le même selon que le paiement indu a été fait avant le décès d'une personne ou après son décès. Dans le premier cas, le de cujus était débiteur des sommes indûment versées et sa succession est tenue de la restitution des sommes litigieuses au titre de dette de la succession, c'est-à-dire une dette dont le de cujus était tenu au moment de son décès. Dans le second cas, le de cujus n'était tenu d'aucune dette au jour de son décès. C'est sa succession qui reçoit un paiement indu et qui est tenue de le restituer. En appliquant les règles de la répétition de l'indu, en cas de pluralité d'héritiers, il s'avère nécessaire de rechercher l'héritier ayant réellement perçu les fonds, lui seul étant tenu à répétition.

Jusqu'à présent seules la première Chambre civile et la Chambre sociale ont été amenées à se prononcer sur cette question (3). Les solutions retenues divergent non seulement entre les deux Chambres mais également au sein de chacune d'entre-elles, ce qui explique le renvoi de la présente affaire devant la Chambre mixte. Si l'on procède à une analyse plus approfondie des diverses décisions rendues par les deux Chambres en la matière, les divergences de solution ne sont qu'apparentes. En effet, chaque fois que la première Chambre civile et la Chambre sociale ont qualifié la nature du recouvrement de dette de succession, le paiement indu avait eu lieu avant le décès du de cujus. A l'inverse, la Haute juridiction appliquait les règles de droit commun de la répétition de l'indu dès lors que le paiement avait eu lieu après le décès du de cujus.

Avant de déterminer quelle est l'incidence du moment du paiement des sommes indues sur la nature du recouvrement (II), il s'avère nécessaire de s'attacher aux enjeux de la qualification (I).

Domaines

Droit
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-02206074 , version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02206074 , version 1

Citer

Véronique Mikalef-Toudic. Sommes indûment versées à une succession : dette de la succession ou répétition de l'indu ?. Recueil Dalloz, 2001, 15, pp.1210. ⟨halshs-02206074⟩
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