Les ventes aux enchères sur l'internet portent atteinte au monopole des commissaires-priseurs - HAL Accéder directement au contenu
Article dans une revue Recueil Dalloz Année : 2000

Les ventes aux enchères sur l'internet portent atteinte au monopole des commissaires-priseurs

Résumé

Le Tribunal de grande instance de Paris vient, pour la première fois, d'interdire à une société organisatrice de ventes aux enchères sur l'internet de « s'immiscer de quelque façon que ce soit dans les opérations de ventes aux enchères réalisées en France et qui relèvent du monopole des commissaires-priseurs ».

Cette décision peut d'emblée apparaître désuète dans la mesure où ce monopole vient de prendre fin à la suite de l'adoption par le Parlement d'une loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques qui va désormais confier la réalisation de ces opérations à des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Cela étant, cette décision mérite toutefois d'être commentée dans la mesure où elle soulève des questions qui resteront d'actualité, particulièrement celle de la qualification de vente aux enchères des opérations contestées.

Ainsi, la Sté Nart Inc et la Sté Nart Sas ont organisé en novembre 1999 une grande vente aux enchères d'environ trois cents objets d'art et de beaux mobiliers par l'intermédiaire du réseau internet. Compte tenu du succès de l'opération, lesdites sociétés ont projeté d'organiser une seconde vente dans le courant de l'année 2000.

Cependant, la Chambre nationale des commissaires-priseurs et la Chambre de discipline des commissaires-priseurs de la Compagnie de Paris ont assigné les sociétés Nart Sas et Nart Inc devant le Tribunal de grande instance de Paris afin, principalement, que ces dernières se voient interdire d'organiser des ventes publiques aux enchères sur le réseau internet d'objets mobiliers se trouvant en France. En effet, les demanderesses reprochent aux sociétés Nart d'avoir violé les dispositions de la loi du 27 ventôse de l'An IX qui réservent aux seuls commissaires-priseurs les prisées et ventes aux enchères de meubles qui ont lieu à Paris.

Les sociétés défenderesses ont opposé à cette demande divers arguments. A titre principal, elles soulèvent l'exception d'incompétence, considérant que le Tribunal de grande instance de Paris n'est pas territorialement compétent pour connaître du litige. Subsidiairement, elles estiment que les demandes sont irrecevables pour défaut de pouvoir des demanderesses d'ester en justice et défaut d'intérêt à agir. Plus subsidiairement, elles demandent l'application de la loi américaine au litige dans la mesure où les enchères sont portées sur le site de la Sté Nart Inc domicilié et hébergé au Etats-Unis. Par ailleurs, ces sociétés soutiennent que les ventes réalisées sur l'internet ne peuvent pas être qualifiées de ventes publiques aux enchères soumises au monopole des commissaires-priseurs puisque seules les personnes inscrites peuvent y participer et parce qu'elles ne provoquent pas d'émulation en raison de l'absence de simultanéité des enchères.

En définitive le tribunal décide de débouter les sociétés Nart Sas et Nart Inc. Pour ce faire, il rejette l'exception d'incompétence, estime que les deux Chambres sont recevables à agir en qualité d'organes représentatifs de la profession, décide que la loi française est applicable au litige et juge que les ventes aux enchères par internet constituent des ventes publiques aux enchères réservées par la loi aux seuls commissaires-priseurs.

Cette décision met donc en exergue deux problèmes majeurs. En premier lieu, ces ventes comportent plusieurs éléments d'extranéité. Si, en l'espèce, les objets mobiliers vendus se trouvent sur le territoire français et si les internautes visés sont domiciliés en France, en revanche le siège social de la société Nart Inc est américain et son site internet est hébergé aux Etats-Unis. Le tribunal devait donc à la fois déterminer la juridiction compétente et la loi applicable au litige en matière de responsabilité délictuelle. Constatant que le préjudice était ressenti en France, il s'est estimé territorialement compétent et a décidé d'appliquer la loi française.

Nous n'insisterons pas davantage sur cette solution, classique en droit international privé, afin de nous consacrer exclusivement à la qualification des opérations litigieuses.

En effet, en second lieu, le Tribunal de grande instance de Paris décide que ces opérations portent atteinte au monopole des commissaires-priseurs dans la mesure où elles constituent des ventes publiques aux enchères. Si le tribunal a pu légitimement réfuter les arguments avancés par les sociétés Nart relatifs au caractère public et à la simultanéité des enchères des ventes en ligne, on peut regretter qu'il ne se soit pas interrogé sur la qualification même de vente aux enchères.

En conséquence, après avoir examiné la publicité et la simultanéité des enchères des ventes en ligne, nous envisagerons la requalification de ces ventes.

I - Les ventes en ligne : des ventes publiques offrant la faculté de surenchérir
II - La requalification des ventes en ligne.

Domaines

Droit
Loading...
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-02205916, version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02205916 , version 1

Citer

Laurence Mauger-Vielpeau. Les ventes aux enchères sur l'internet portent atteinte au monopole des commissaires-priseurs. Recueil Dalloz, 2000, 30, pp.640. ⟨halshs-02205916⟩
47 Consultations
0 Téléchargements
Dernière date de mise à jour le 21/04/2024
comment ces indicateurs sont-ils produits

Partager

Gmail Facebook Twitter LinkedIn Plus