Le revendeur non agréé : un concurrent qui profite des avantages du réseau sans en supporter les contraintes - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Recueil Dalloz Année : 2000

Le revendeur non agréé : un concurrent qui profite des avantages du réseau sans en supporter les contraintes

Résumé

[Cour de cassation, com. 19-10-1999 97-16.506].
Voici un nouveau procès opposant des concessionnaires automobiles à un vendeur parallèle non agréé, les premiers voulant obtenir que le second ne puisse pas vendre les véhicules objet de leur concession.

Les réseaux de distribution se livrent à une lutte implacable contre les vendeurs non agréés depuis de nombreuses années. Ainsi ces derniers sont qualifiés de « passagers clandestins », de « parasites » ou de « francs-tireurs ». L'arrêt commenté est une nouvelle illustration du dilemme affectant le droit de la distribution qui oppose l'efficacité d'un réseau de distribution à la libre concurrence, plus particulièrement dans le domaine de la concession automobile.

Pour parvenir à leurs fins, les distributeurs agréés ont utilisé toutes les armes que leur offraient le droit interne de la concurrence, notamment comme en l'espèce, l'action en concurrence déloyale.

Ils ont également tenté d'utiliser le droit communautaire. Cette source est d'ailleurs reprise par les concessionnaires dans l'affaire commentée lorsqu'ils soutiennent que le vendeur parallèle n'a pas respecté le règlement n° 123/85 de la Commission des Communautés européennes sur la distribution des véhicules automobiles. Ce règlement a mis en place une exemption au profit des concessions automobiles leur permettant de maintenir leur distribution exclusive bien que l'art. 85, paragr. 1 du Traité de Rome [désormais, art. 81] impose une libre concurrence au sein de la Communauté européenne et soit donc hostile à toute entente susceptible de restreindre cette libre concurrence. Les concessionnaires se sont fondés sur ce règlement pour obtenir que l'activité des vendeurs non agréés soit interdite. La Cour de justice des communautés européennes ne leur a pas donné satisfaction, comme le rappelle la Cour d'appel de Poitiers en l'espèce, puisqu'elle a décidé que « le règlement ... ne concerne que les rapports contractuels entre les fournisseurs et leurs distributeurs agréés ... ce règlement n'a pas, en revanche, pour fonction de réglementer l'activité de ces tiers pouvant intervenir sur le marché en dehors du circuit des accords de distribution »; pas plus que la Cour de cassation qui a adopté la position de la Cour de justice des communautés européennes.

Pour l'heure, les concessionnaires doivent donc se contenter des moyens que leur offre le droit interne au nombre desquels se trouve l'action en concurrence déloyale.

L'affaire commentée oppose des concessionnaires des marques Peugeot et Renault à un vendeur hors réseau : la société Le Brasseur dont l'activité consiste à exploiter un garage, mais aussi, et c'est sur ce point que porte la concurrence déloyale, à vendre des véhicules neufs Peugeot et Renault.

La Cour d'appel de Poitiers donne raison aux concessionnaires et retient la concurrence déloyale du vendeur parallèle puisqu'elle considère, d'une part, que ce dernier n'a pas utilement combattu la présomption d'approvisionnement illicite qui pesait sur lui et, d'autre part, que la publicité utilisée créait une confusion dans l'esprit des consommateurs puisqu'elle mentionnait l'existence de la garantie du constructeur alors que celle-ci ne peut en principe être exécutée que par les concessionnaires.

Si les juges du second degré semblent bien favoriser la protection du réseau de distribution en cause, la Cour de cassation adopte une solution beaucoup plus nuancée conduisant à conforter les distributeurs parallèles. En effet, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel pour avoir retenu à la charge du vendeur parallèle une présomption d'approvisionnement illicite lui imposant de rapporter la preuve de l'acquisition régulière des véhicules par le vendeur auquel il s'est adressé et pour avoir considéré qu'il y avait confusion alors que « l'opérateur non agréé est tenu d'assurer l'obligation de garantie auprès de l'acheteur final quelles que soient les modalités par lesquelles cette obligation s'exerce ».

Cet arrêt envisage deux problèmes importants ayant trait à l'action en concurrence déloyale intentée contre un vendeur parallèle. D'une part, il détermine sur qui pèse la charge de la preuve d'un acte de concurrence déloyale relatif à l'irrégularité de l'approvisionnement du vendeur parallèle. D'autre part, il précise, même si la motivation de la Cour de cassation peut donner lieu à diverses interprétations, que la garantie du constructeur est due à l'acheteur final en cas de vente parallèle.

L'étude de la charge de la preuve de l'approvisionnement irrégulier du vendeur parallèle (I), comme celle de la garantie du constructeur en cas de vente parallèle (II), permettront également d'interpréter le droit de la concurrence au regard du droit civil.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-02205764 , version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02205764 , version 1

Citer

Laurence Mauger-Vielpeau. Le revendeur non agréé : un concurrent qui profite des avantages du réseau sans en supporter les contraintes. Recueil Dalloz, 2000, 15, pp.341. ⟨halshs-02205764⟩
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