Responsabilité civile du fait d'autrui : une dérive de la jurisprudence Blieck ? - HAL Accéder directement au contenu
Article dans une revue Recueil Dalloz Année : 1996

Responsabilité civile du fait d'autrui : une dérive de la jurisprudence Blieck ?

Résumé

[Cour de cassation, 2e civ. 22-05-1995 92-16.852].
Note : Le présent arrêt, rendu le 22 mai 1995 par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation (1), mérite une attention toute particulière. La Haute juridiction y aborde le thème délicat de la responsabilité civile du fait d'autrui et celui, plus traditionnel, de la responsabilité du fait des choses incendiées. En l'espèce, trois marginaux sans domicile fixe occupent un immeuble insalubre relevant du domaine privé d'une commune en l'attente de l'attribution d'un logement social. Leur présence cause, cependant, quelques désagréments aux voisins. En effet, les trois compères, menant une vie agitée, se livrent à des manifestations bruyantes et font du feu dans la cour de l'immeuble, au risque de provoquer un incendie. Ce qui doit arriver se produit : une nuit, le feu se propage à un bâtiment voisin. Le propriétaire de celui-ci entend alors se faire indemniser de son préjudice par la commune.

Débouté en première instance, le plaignant voit sa demande accueillie par la Cour d'appel de Bourges. Selon les magistrats du second degré, la commune est responsable à l'égard de la victime, parce que, en tolérant dans son immeuble la présence d'occupants connus comme étant asociaux et « à risques », elle a endossé par avance leurs agissements préjudiciables. La commune forme alors un pourvoi en cassation, lequel est rejeté. Pour la deuxième Chambre civile, c'est à bon droit (2) que la Cour de Bourges a ainsi statué. En effet, d'une part, c'est la commune propriétaire de l'immeuble, et non pas les occupants sans titre, qui doit être considérée comme détentrice des locaux. D'autre part, elle est responsable de ces personnes dont l'imprudence fautive a provoqué le sinistre, parce qu'elle les a autorisées à séjourner dans les lieux, alors qu'il s'agissait de marginaux asociaux et « à risques » qui allumaient fréquemment du feu de façon dangereuse eu égard à la vétusté des lieux. En d'autres termes, les conditions d'application de l'art. 1384, al. 2, c. civ. sont réunies : l'incendie dont a été victime un tiers a pris naissance dans un bien détenu par la commune et il est dû à la faute de personnes dont elle est responsable. La défenderesse est donc tenue d'indemniser la victime.

Cet arrêt est particulièrement novateur aussi bien en ce qui concerne la notion de détention qu'à propos des limites de la responsabilité du fait d'autrui (I). Pour autant, on peut craindre que les solutions proposées n'emportent des conséquences néfastes dans des situations dépassant largement les limites de l'espèce (II).

Domaines

Droit
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Dates et versions

halshs-02204577, version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02204577 , version 1

Citer

Thierry Le Bars, Karine Buhler. Responsabilité civile du fait d'autrui : une dérive de la jurisprudence Blieck ?. Recueil Dalloz, 1996, 32, pp.453. ⟨halshs-02204577⟩
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Dernière date de mise à jour le 21/04/2024
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