Quelles relations avec la génération de nos parents ?
Résumé
Comment envisageons-nous, à l'âge adulte, nos relations avec nos parents ? Dans une société où l'individu occupe une place centrale et où la famille cellulaire est souvent considérée comme espace d'épanouissement personnel, les relations des adultes avec leurs parents semblent marquées par un éloignement ou tout du moins une autonomie très poussée. Pour autant, la famille actuelle se caractérise aussi par une forte valorisation des liens affectifs et des relations électives interpersonnelles au sein de la parentèle. « Cessant d'être un groupe au sens fort du terme, c'est-àdire une institution sociale créant fidélité et allégeance entre les générations, la lignée devient un imaginaire personnel » (Déchaux, 2009, p.95). Si les relations des adultes avec leurs parents ont sans doute évolué, elles conservent une place importante pour les individus. Les réponses données à deux questions des enquêtes EVS permettent de le confirmer. La première invite les enquêtés à se prononcer sur l'affirmation suivante : « Un de mes principaux objectifs dans la vie a été de rendre mes parents fiers de moi ». 73% des répondants expriment cette opinion (32% tout à fait d'accord et 41% plutôt d'accord), tandis que 15% ne sont plutôt pas d'accord et 10% pas d'accord du tout. La quête de la fierté parentale apparaît donc particulièrement importante dans la société française, ce qui montre un attachement fort à l'opinion que les parents se font de leurs enfants, y compris lorsque ceux-ci sont devenus adultes. La seconde question appelle à se prononcer sur l'affirmation selon laquelle « les enfants adultes ont le devoir de prendre soin de leurs parents sur le long terme ». 72% des enquêtés se reconnaissent dans cette opinion (31% sont tout à fait d'accord et 41% plutôt d'accord) tandis que 14% ne sont ni d'accord ni pas d'accord, 8% plutôt pas et 4% pas du tout d'accord. Ces réponses nous renseignent encore sur la force du lien entre parents et enfants adultes, sur le maintien de relations privilégiées et d'un sentiment de devoir vis-à-vis des parents. Les réponses à ces deux questions sont corrélées à des variables révélant une vision plutôt traditionnelle de la famille. Ainsi, c'est parmi les enquêtés qui estiment que c'est un devoir à l'égard de la société d'avoir des enfants que l'on trouve le plus fréquemment la quête de fierté des parents (87%) comme le sentiment d'obligation de prendre soin de ses parents (88%). De même, ceux qui disent appartenir à une religion ont davantage tendance à s'accorder avec ces opinions. On trouve ici une conception des relations entre parents et enfants régies par des devoirs et des obligations insérées dans des normes sociales. Mais ces conceptions sont aussi liées aux situations personnelles des enquêtés. Ainsi, ceux dont les parents sont nés dans un autre pays ont davantage tendance que les autres à adhérer à ces opinions. La trajectoire migratoire et l'expérience familiale qu'elle représente pourraient ainsi renforcer le sentiment d'avoir une « obligation de réussite » suscitant la fierté de ses parents et un devoir de soutien et de soin à leur égard en retour de l'épreuve qu'a pu constituer l'intégration de la famille dans un nouveau pays. L'âge des enquêtés est également corrélé aux réponses à ces deux questions (graphique 1). Il l'est de manière non linéaire, les plus jeunes et les plus âgés partageant un même souci de fierté des parents et, davantage que les catégories d'âge intermédiaires, le sentiment de devoir en prendre en soin.
Domaines
Sociologie
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)