Rhétorique ou poésie, comme il vous plaira : Yves Bonnefoy et Les Sonnets de Shakespeare
Résumé
Les deux traductions qu’Yves Bonnefoy a proposées des sonnets de Shakespeare (1993-1995 ; 2007) ne prennent sens qu’à la lueur de l’évolution de sa critique poétique et de sa nouvelle hypothèse d’une observation à distance de ce que la forme sonnet peut produire. En outre, Bonnefoy repense les sonnets peu après avoir traduit Comme il vous plaira (2003), comédie dans laquelle il est aussi question du leurre de la rhétorique poétique. Cet article analyse comment les deux traductions de Bonnefoy reflètent deux interprétations différentes des sonnets, et souligne le retour de la rhétorique dans la nouvelle traduction de 2007, où se lisent une réaffirmation des stéréotypes et une accentuation des contrastes binaires qui évoquent Comme il vous plaira. Cet article s’intéresse ensuite à l’hypothèse originale du dédoublement du « Je » dans les sonnets, pour montrer comment Bonnefoy fait ressortir cette ambivalence ; il finit par se demander si la poétique d’Yves Bonnefoy ne continue pas d’aller à la rencontre des sonnets shakespeariens en y insufflant subrepticement de la parole et une forme de transitivité, touchant en cela à ce qu’Antoine Berman appelle « l’essence de la traduction », soit le fait d’être « ouverture, dialogue, métissage, décentrement ».