Principe du secret v. droit d'accès aux origines - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2015

principle of secrecy versus right of access to origins

Principe du secret v. droit d'accès aux origines

Résumé

De la demande de reconnaissance de paternité engagée par Rachida Dati, estimant qu'il était "effectivement temps que sa fille connaisse la vérité sur ses origines" à la proposition de lever l'anonymat des dons de gamètes dans le cadre de la procréation médicalement assistée, en passant par la contestation régulière de l'accouchement sous X, le secret de la filiation est, aujourd'hui, de plus en plus malmené au nom d'un droit personnel, subjectif, qui serait le droit de connaître ses origines. N'étant pas une spécialiste de droit civil et encore moins de droit de la famille, j'aborderai le sujet proposé sous l'angle des droits fondamentaux, et plus particulièrement des droits « à ». Peut-on opposer à ce que l'on peut appeler le « principe du secret », profondément ancré en France, un droit à connaître ses origines ? D'où viendrait ce droit ? Quel fondement juridique lui donner ? Mais si l'on raisonne de cette manière, pourquoi ne pas reconnaître, également, l'existence d'un droit au secret, voire d'un droit du secret ? Dans ces conditions, n'est-on pas alors en présence de deux droits qui s'opposent et se contredisent, un droit au secret / un droit d'accès aux origines ? Comment va-on, alors, pouvoir les concilier ? Comment résoudre ce conflit de droits ? Autant de questions qui me semblent révélatrices d'évolutions profondes et fondamentales que connaît aujourd'hui le droit des libertés. En effet, derrière la question de l'identification et de la conciliation de ces droits, un éventuel droit au secret c/ un éventuel droit des origines, émerge un certain nombre de questions qui irriguent la problématique des droits fondamentaux et qui me semblent, en tant que juriste, particulièrement intéressantes. La première est celle des droits subjectifs c'est-à-dire des droits qui sont juridiquement protégés et que l'on peut opposer à l'Etat. Existe-t-il un droit au secret ? un droit d'accès à ses origines ? Le cas échéant, quel est le fondement juridique de ces droits ? Existe-t-il un texte qui les consacre expressément ? La réponse à cette question montre qu'en la matière, le juge, tant le juge interne que le juge européen, dispose d'un très large pouvoir d'interprétation qui lui permet de faire dire bien des choses aux textes, souvent muets ou laconiques sur le sujet. La seconde question est celle de la portée de ces droits subjectifs. Sous l'influence de ces « droits venus d'ailleurs », en particulier le droit de la Convention européenne des droits de l'homme, s'est imposée l'idée que les droits ne doivent pas seulement être protégés contre l'Etat, c'est-à-dire des atteintes que pourrait y porter l'Etat (obligation négative : l'Etat ne doit pas porter atteinte au secret), mais qu'ils doivent être mis en oeuvre et protégés par l'Etat (obligation positive : l'Etat doit assurer et organiser le secret). A cela s'ajoute que ces obligations s'imposent y compris dans les relations entre particuliers, dessinant ainsi un effet horizontal des droits fondamentaux, par opposition à un effet vertical, qui désigne les seules relations Etat / particuliers 1. Au-delà de ces questions, cette communication vise à mettre en lumière un double mouvement à l'oeuvre dans le droit. Tout d'abord, un mouvement de « fondamentalisation » du droit : ce dernier désigne l'attractivité, le poids des droits fondamentaux avec une tendance de plus en plus affirmée, aujourd'hui, à tout voir et observer à travers le prisme, plus ou moins déformant, des « droits à », qui impliquent la possibilité d'une revendication. Un second mouvement, dont il tire d'ailleurs ses origines, l'accompagne : c'est un mouvement « d'européanisation du droit », ici révélé par le poids des exigences posées par la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit interne. Le droit français, et notamment cette question du secret v/ le droit de connaître, est de plus en plus marqué par le droit européen et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. De ce point de vue, il est intéressant de relever que le droit interne tente, parfois, de résister à cette influence du droit européen, ces points de résistance voire de conflits pouvant être révélateurs de ce qui pourrait relever de l'identité constitutionnelle de la France.

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halshs-02112662 , version 1 (26-04-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02112662 , version 1

Citer

Ariane Vidal Naquet. Principe du secret v. droit d'accès aux origines. Chut : c'est un secret, 2015, Marseille, France. ⟨halshs-02112662⟩
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