, ATeM, vol.3, p.14, 2018.

, Bonnet à paraître) Cette idée « d'accueillir ce qu'il advient au fil de l'instant » rejoint la définition de l'événement, au sens que lui donne Jean-François Lyotard. Prêter l'oreille à un événement est la chose la plus difficile du monde. Un événement n'est pas ce qui occupe la première page des journaux. Il est quelque chose qui survient, qui vient en sortant de rien. Comme tel, ce quelque chose n'est encore rien : on ne saurait le qualifier ni même le nommer. On n'y est pas préparé, on n'a pas de quoi l'accueillir ou le placer dans un système de signification, de quoi l'identifier. Et pourtant s'il advient, c'est qu'il touche à quelque « surface » où il inscrit sa trace : une conscience, un inconscient, Il s'y agit moins en effet d'effectuer le protocole dûment réglé d'une cérémonie que d'accueillir ce qui advient au fil de l'instant et configure la scène d'une expérience offerte en partage. »

. L'événement-ne-se-prépare-pas and . Préfigurer, Avant que la musique ne commence, les spectateurs ne sont absolument pas préparés à ce qu'ils vont entendre : il peut s'agir d'oeuvres de toutes les époques. Ils ne savent rien. Leur écoute se rapproche alors peut-être de l'événement de Lyotard, au sens où elle fait advenir l'imprévisible. C'est ce qui explique que, dans Anatomie de l'écoute, les acteurs et les musiciens jugent nécessaire de jouer et d'écouter plusieurs fois chaque morceau : puisque la première audition fait événement, l'auditeur n'arrive pas réellement à l'écouter, par manque de repères. Ils rejoignent ainsi le point de vue de Proust qui montre, à propos de la sonate de Vinteuil dans Un amour de Swan, qu'on ne peut pas écouter une oeuvre d'art musicale lors de la première audition, par manque de repère : on ne l'entend que lors de la répétition, quand on cherche à repérer ce dont on avait à peine eu conscience lors de la première fois. Cette notion d'événement rejoint aussi la question du spectacle vivant : par définition, il n'y a pas deux représentations identiques. Cela est rapidement évoqué par les remarques des spectateurs. Grand magasin retranscrit la question « avez-vous joué la même chose ? » (paroles rapportées) après la reprise du morceau de Schoenberg, et les musiciens répondent qu'ils ont essayé, mais qu'on ne joue jamais la même chose. C'est une façon de rappeler au public présent dans la salle qu'il assiste à un spectacle unique, qui ne sera jamais reproduit exactement à l'identique. Cela modifie probablement l'écoute : on n'écoute pas de la même manière une musique enregistrée

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