, et encore moins préconisé, les cas de vengeances conjugales, où le mari trompé infligeait une punition extrême à son épouse adultère, bénéficiaient de la plus grande indulgence. La vengeance directe d'Othello pour rétablir ce qu'il revendique comme son honneur (« in honour », V,2,296) dont Shakespeare nous montre qu'elle suscite l'indignation de l'entourage du personnage en raison de l'injustice qu'elle représente, se trouve néanmoins compensée par le suicide du Maure, lorsqu'il reçoit à la preuve de l'innocence de Desdémone, par le récit de sa suivante Emilia, Les historiens britanniques spécialistes des pratiques conjugales, précédemment nommés, nous apprennent que si le châtiment direct de l'adultère par l'époux outragé n'était pas autorisé

, Lors de la scène de découverte des amants enlacés par le mari trompé, scène relatée par le principal intéressé mais non montrée, il est bien question d'une vision funeste capable d'engendrer l'aveuglement car la contemplation même de ce qui fonctionne comme une scène primitive porte en rémanence des traces oedipiennes : O keep my eyes, you heavens, before I enter, From any sight that may transfix my soul. Or if there be so black a spectacle, Thomas Heywood utilise également ce puissant ressort dramatique de la vision interdite qui emporte la conviction de l'époux trompé, dans sa tragédie domestique Woman Killed with Kindness, pp.27-30

, Frankford doit se confronter directement au spectacle de l'adultère, dont la réalité tangible ne peut lui échapper. Il ne fait pas l'objet d'une manipulation rhétorique mais bien au contraire dispose d'une relation immédiate et directe à la situation adultérine, dont il doit se faire juge sans tergiverser: O me unhappy ! I have found them lying Close in each other's arms, and fast asleep, pp.43-49

, Le personnage nous rappelle que si la transgression de l'union matrimoniale est un péché devant Dieu, la vengeance aveugle, au mépris de l'oeuvre de la miséricorde divine face au repentir de l'épouse adultérine et de son amant, est un péché bien plus grave. Frankford, retenant son coup, évoque le danger pour son propre salut d'un sacrifice sanglant (« a bloody sacrifice », 70) en lieu et place d'un punition légitime. Le noeud dramaturgique et théologique de la tragédie domestique apparaît avec le choix de la miséricorde envers l'épouse adultérine au lieu d'une forme de vengeance légitimée par les codes sociaux de la période : My God with patience arm me ! Rise, Le spectre de la damnation probable des amants, exécutés durant leur sommeil, sans possibilité du repentir et de la confession du péché, est le garant du choix de surseoir à la vengeance immédiate, opérée par l'époux bafoué 20, pp.107-109

L. , La séparation de corps décrété par l'époux bafoué, qui évoque la séparation a mensa et thoro (XIII, 175-181 « I charge thee never after this sad day / To see me, or to meet me [?] ») est en réalité une condition incontournable de l'expiation, qui rappelle, dans le registre théâtral, le schéma de la Moralité (péché, découverte, châtiment, espoir de la miséricorde divine, repentance s'exprimant sous la forme d'une lamentation). La bonté dont témoigne Frankford, si problématique car le bannissement de l'épouse adultère fait office de châtiment en la poussant au suicide à la scène XVII, est en réalité la condition de l'accomplissement de la tragédie chrétienne. Le repentir de la femme adultère prend la forme du suicide par anorexie (scène XVII, et « kinship », marque de la parenté 21 ) semble témoigner dans un premier temps d'un désir de compassion conforme aux recommandations de l, pp.108-117, 1623.

, Cela nous permet d'évoquer l'anecdote de la vengeance de Gesualdo, prince de Venosa, pp.1560-1614

G. «-en-1586 and . Épousa-sa-cousine-donna-maria-d'avalos, Cette union ne fut guère heureuse : Gesualdo délaissa très vite sa femme qui reporta son affection sur le duc d'Andria. En 1590, découvrant son déshonneur, il fit poignarder les deux amants en sa présence. Redoutant la vengeance des familles, il se réfugia dans son château de Gesualdo et s'y prépara à l'éventualité d'un siège. Doutant de tout, même de la légitimité de son fils

, Voir traduction de Pierre Iselin, p.9

. Conclusion-«-c'est-folie-de-rapporter-le-vrai, . Le-faux-À-notre-suffisance-;-c'est-une-hardiesse-dangereuse, and . De-conséquence, Que ne nous souvient-il combien [p. 262] nous sentons de contradiction en notre jugement même ? combien de choses nous servaient hier d'articles de foi, qui nous sont fables aujourd'hui ? Montaigne, Essais, Livre I, ch XXVII Les propos de Montaigne définissent bien la versatilité de la vérité dès lors que l'on entreprend d'en administrer la preuve. L'entendement ne semble pouvoir se satisfaire que de ce qu'il est prêt à envisager, à voir et à croire. Montaigne met en garde son lecteur contre les dangers de l'intime conviction, source potentielle d'aveuglement. Du point de vue de la perception de la manière dont s'administre la preuve, il s'établit du spectateur au-delà de l'oeuvre de la rhétorique. Nous sommes bien dans une axiologie des sens : la priorité semble donnée à l'oeil alors que la véritable conviction vient de l'oreille, ce qui autorise le subterfuge. Le théâtre par sa nature même manifeste la rivalité entre l

, qui témoigne d'une incapacité à croire ce qui déroge à l'anticipation, tout en adoptant une position sceptique face au pouvoir de manipulation des signes perceptibles : Frankford : Though I durst pawn my life, and on their faith Hazard the dear salvation of my soul, Yet in my trust I may be too secure. May this be true ? O may it, can it be ? Is it by any wonder possible ? Man, woman, what thing moral may we trust, When friends and bosom wives prove so unjust ? Nick Eyes, eyes. Frankford Thy eyes may be deceived I tell thee, For should an angel from the heavens drop down And preach this to me that thyself hast told, He should have much ado to win belief, pp.77-91

, L'établissement de la conviction du personnage bafoué recquiert une ouverture de l'esprit, ainsi qu'un acte de confiance, qui n'ont aucun caractère spontané. Le personnage de

, Till I know all, I'll nothing seem to know. (scène VIII, pp.108-115

, est une invitation à un acte de foi dans l'établissement de la conviction de l'adultère, qui fait écho aux propos de Montaigne. La conclusion ira à Othello, dont l'ultime fable accompagne à la fois une vision enfin claire et lucide de la vérité et la mise en oeuvre de son propre châtiment, au coeur de l'épitaphe qu'il compose pour lui-même : « [?] of one whose subdued eyes, / Albeit unused to the melting mood, Une partie de cartes permettra de confondre les amants coupables, à la scène VIII. La formulation du fidèle serviteur, « Build on my faith » (vers 226), p.349

, La contemplation de la vérité, enfin révélée, suscite le repentir et la déploration mais permet également la curation des passions. A ce titre, le sacrifice ultime constitue bien un acte cathartique