, À restituer la grande plaine uniforme des mots et des choses. À tout faire parler. C'est-à-dire à faire naître au-dessus de toutes les marques le discours second du commentaire. Le propre du savoir n'est ni de voir ni de démontrer, mais d'interpréter. Commentaire de l'Écriture, commentaire des Anciens, commentaire de ce qu'ont rapporté les voyageurs, commentaire des légendes et des fables : on ne demande pas à chacun de ces discours qu'on interprète son droit à énoncer une vérité ; on ne requiert de lui que la possibilité de parler de lui. Le langage a en lui-même son principe intérieur de prolifération. » Les mots et les choses, II. 15. Pour une linguistique de l'énonciation, Nous détournons ici la phrase de Michel Foucault : « Savoir consiste donc à rapporter du langage à du langage, p.1466

, Or écouter une chose et en entendre une autre n'est pas l'apanage de ce spécialiste de l'écoute flottante qu'est le psychanalyste qui, selon le principe bien connu de l'attention dite suspensive et « face à la familiarité manifeste - et séductrice -de la parole narrative [...], se refuse à discerner dans la langue entendue, autre chose que sa fonction de signifier les motions inconscientes qui, à travers elle, s'obstinent à voir le jour 17 ». En effet, la psychologie distingue l'attention volontaire de l'attention involontaire. « La première vient d'un intérêt sélectif, conscient de son but, alors que la seconde est décrite comme une fonction instinctive en partie mécanisée. La première est d'un caractère plutôt actif, et la seconde, surtout réactif. Nous pouvons dire, en général, que l'attention volontaire est orientée vers un contenu sélectif, et l'attention involontaire vers un contenu qui s'impose 18 ». Écouter avec la troisième oreille, pour reprendre l'expression de Theodor Reik, c'est ce que fait le locuteur ordinaire lorsqu'il laisse venir à lui certains contenus mentaux qui s'imposent à son écoute comme s'ils étaient inscrits en surimpression dans le discours de son interlocuteur, s'ignorer l'un l'autre : c'est vrai à l'écrit, lorsqu'un signe s'impose par sa prégnance irradiant son environnement verbal d'un éclat de sens comme une onde de choc se répandant sur l'ensemble du texte, mais c'est encore plus vrai à l'oral, où les impressions acoustiques occasionnent chez l'auditeur - Saussure l'a génialement montré pour l'anagramme -la formation d'un deuxième texte

J. Rolland, Avant d'être celui qui parle, p.30, 2006.

T. Reik, Écouter avec la troisième oreille, p.155, 2002.