L'enrôlement du féminisme dans la lutte contre la prostitution - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Cités : Philosophie, politique, Histoire Année : 2018

L'enrôlement du féminisme dans la lutte contre la prostitution

Lilian Mathieu

Résumé

Lorsqu'en juin 1975 les féministes françaises se rallièrent à la cause des prostituées, elles le firent au nom d'une solidarité féminine contre la répression menée par cette institution patriarcale qu'est la police 1. Ce n'est pas sans une certaine ironie qu'on a pu voir, une quarantaine d'années plus tard, de larges pans du mouvement des femmes applaudir au vote d'une loi qui confie à la police l'essentiel d'une politique destinée à abolir la prostitution. De fait, ces fractions, majoritaires au sein de l'espace de la cause des femmes 2 , n'ont pas fait qu'applaudir l'adoption de la loi du 13 avril 2016 « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel », dont la mesure phare est la pénalisation des clients des prostituées. Elles l'ont préparée, soutenue et légitimée au cours d'un long travail de lobbying dont la dernière étape fut la campagne « Abolition 2012 » à laquelle participèrent des structures féministes telles qu'Osez le féminisme, Choisir la cause des femmes, SOS sexisme, Femmes solidaires, Encore féministes, les Chiennes de garde, le Lobby européen des femmes, le Collectif droits des femmes, la Coordination lesbienne de France ou encore la Marche mondiale des femmes. Là n'est pas la seule ironie. En 1975, la mobilisation des prostituées avait bénéficié de l'impulsion et du soutien décisifs d'une association abolitionniste, le Mouvement du Nid. Son identité catholique avait suscité la défiance de féministes dont le combat pour la légalisation de l'avortement venait à peine de triompher. Quatre décennies ans plus tard, c'est en étroite association avec ce même Mouvement du Nid que les féministes ralliées à l'abolitionnisme ont mené campagne pour la pénalisation des clients. Certes, c'était de manière impromptue que les féministes avaient en 1975 soutenu les prostituées. La prostitution n'avait jusqu'alors guère été débattue au sein du mouvement des femmes et ce n'est qu'a posteriori qu'une réflexion s'était ébauchée en dessinant les linéaments d'une critique de la vente institutionnalisée de « services sexuels » par des femmes et pour des hommes 3. Mais les arguments intellectuels n'ont pas été seuls à l'oeuvre dans la conversion d'une part majoritaire du féminisme français au projet d'une abolition de la prostitution. C'est davantage sous 1 Un dessin à la une de Libération du 11 juin 1975 représente un CRS frappant une femme à terre avec une matraque de forme phallique. Sur cet épisode, voir Lilian Mathieu, Mobilisations de prostituées,
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Citer

Lilian Mathieu. L'enrôlement du féminisme dans la lutte contre la prostitution. Cités : Philosophie, politique, Histoire, 2018, 73, pp.57-66. ⟨halshs-02057159⟩
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