Voltaire, lecteur de Descartes - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2016

Voltaire, lecteur de Descartes

Résumé

Mon propos est de montrer que Voltaire est un fin lecteur de Descartes et que sa lecture de Descartes le nourrit jusqu'à la toute fin d'un traité qui peut être considéré comme son testament philosophique 1 , Le Philosophe ignorant. C'est en effet dans le Doute LVI qui sert de conclusion à l'ouvrage, intitulé « Commencement de la raison », que Voltaire glisse dans les derniers mots de ce dernier doute une référence implicite au philosophe que je vais m'appliquer à mettre au jour en présentant le contexte philosophique de la référence dans son oeuvre. Cette place insigne de la référence peut se lire comme une révérence de Voltaire envers Descartes. Je chercherai à en comprendre le sens et la portée philosophique. Le texte du Doute LVI est le suivant : Je vois qu'aujourd'hui, dans ce siècle qui est l'aurore de la raison, quelques têtes de cette hydre du fanatisme renaissent encore. Il paraît que leur poison est moins mortel, et leurs gueules moins dévorantes. Le sang n'a pas coulé pour la grâce versatile, comme il coula si longtemps pour les indulgences plénières qu'on vendait au marché ; mais le monstre subsiste encore ; quiconque recherchera la vérité risquera d'être persécuté. Faut-il rester oisif dans les ténèbres ? ou faut-il allumer un flambeau auquel l'envie et la calomnie rallumeront leurs torches ? Pour moi, je crois que la vérité ne doit pas plus se cacher devant ces monstres, que l'on ne doit s'abstenir de prendre de la nourriture dans la crainte d'être empoisonné. 2 La métaphore du poison du fanatisme est filée dans la comparaison finale qui met sur un pied d'égalité le fait que la vérité ne doit pas se cacher par peur des monstres et le fait qu'on ne doit pas s'abstenir de manger par peur d'être empoisonné. Cette comparaison conduit à s'approprier la vérité personnifiée : c'est au philosophe, c'est au lecteur incité à penser par lui-même, de ne pas cacher la vérité par peur du fanatisme. Autrement dit, la comparaison finale conduit à un engagement radical qui rompt avec le scepticisme ambiant de l'ouvrage. Voltaire défend ici la figure du philosophe ignorant mais militant pour la vérité 3 , il s'accorderait à dire avec d'Alembert : Il me semble qu'il ne faut pas, comme Fontenelle, tenir la main fermée quand on est sûr d'y avoir la vérité ; il faut seulement ouvrir avec sagesse et avec précaution les doigts de la main l'un après l'autre, et petit à petit la main est ouverte tout à fait, et la vérité en sort toute entière. Les philosophes qui ouvrent la main trop brusquement sont des fous ; on leur coupe le poing et voilà tout ce qu'ils y gagnent : mais ceux qui la tiennent fermée absolument, ne font pas pour l'humanité ce qu'ils doivent. 4

Domaines

Philosophie
Fichier principal
Vignette du fichier
Voltaire_lecteur_Descartes_Le_Ru_Centre_etudes.pdf (360.09 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Loading...

Dates et versions

halshs-02054232 , version 1 (04-03-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02054232 , version 1

Citer

Véronique Le Ru. Voltaire, lecteur de Descartes. Sébastien Charles; Stéphane Pujol. Voltaire philosophe : regards croisés, Centre international d'étude du XVIIIe siècle, pp.13-22, 2016, 978-2-84559-123-3. ⟨halshs-02054232⟩
109 Consultations
864 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More