Rébellion et résistance : modalités de désobéissance chez les élites politiques mogholes des XVIe-XVIIe siècles
Résumé
The present contribution surveys the different ways in which imperial authority was challenged by the political elites of 16th-17th-century Mughal India—a group that included members of the royal family (the mirzas or princes) as well as amirs, the high-ranking officials of the state generally considered to have constituted a form of nobility. The various types of contestation that successively prevailed among princes and amirs during the 16th-17th centuries are tightly connected, and their evolution globally bears witness to the gradual strengthening of royal authority throughout the period. In order to grasp the motivations and transformations of these “disobedience movements”, the article first outlines the balance of power between the padshah (emperor), the mirzas and the amirs during the early decades of Mughal state-building (ca. 1526-1585). It then focuses on princely rebellions and the amirs’ administrative resistance as these became the two major modes of defiance of imperial authority in the course of the so-called Mughal “golden age” (ca. 1585-1680)—a century characterized by an ongoing process of centralization which did not, however, result in the all-powerful state that the Indian empire has long incarnated in historiography.
La présente contribution se veut un panorama des modalités de désobéissance à l’autorité impériale parmi les élites politiques de l’Inde moghole aux XVIe-XVIIe siècles — un groupe incluant les membres de la famille impériale (c’est-à-dire les mirzas ou princes) ainsi que les amirs, un terme désignant les dignitaires de haut rang que l’historiographie moghole tend à assimiler à une forme de noblesse d’empire. Les types de contestations successivement privilégiés par les princes et les amirs au cours des XVIe-XVIIe siècles sont intrinsèquement liés, et leur évolution durant cette période témoigne globalement du renforcement de l’autorité impériale. Pour bien comprendre les ressorts de ces mouvements de désobéissance ainsi que leur évolution, on commencera par rappeler les termes du rapport de force padshah (empereur)-mirzas-amirs et sa transformation progressive au cours de la première phase de construction de l’empire (v. 1526-1585). On se concentrera ensuite sur la rébellion princière et la résistance administrative nobiliaire qui s’imposèrent comme les deux principales formes de contestation de l’autorité impériale durant ce qu’on pourrait appeler le siècle d’or moghol (v. 1585-1680) — une période qui, contrairement à une interprétation longtemps dominante, fut toutefois loin de correspondre à l’avènement d’un État centralisateur tout-puissant.