ADRIBOATS. Navires et navigation en Adriatique orientale dans l’Antiquité. Rapport des opérations 2018 et opérations projetées en 2019 - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Rapport (Rapport De Recherche) Année : 2018

ADRIBOATS. Navires et navigation en Adriatique orientale dans l’Antiquité. Rapport des opérations 2018 et opérations projetées en 2019

Résumé

Depuis 2007, avec la fouille de l’épave de l’Antiquité tardive de Pakoštane, l’équipe d’archéologie navale du Centre Camille Jullian - UMR 7299 est engagée dans des recherches archéologiques sous-marines et subaquatiques en Croatie pour l’étude des traditions de construction navale d’époque antique en Adriatique orientale et en Europe Sud-orientale. A partir de 2009, les recherches en collaboration avec l’Université de Zadar ont été centrées sur le site côtier de Caska (île de Pag) où se trouvait la résidence d’une des plus nobles familles de l’ordre sénatorial, les Calpurnii. Nous avons pu étudier les vestiges de bateaux romains réutilisés dans la construction de structures portuaires. Il s’agit de trois barques cousues et d’un voilier assemblé par « tenons et mortaises ». En 2013, à la demande du Musée archéologique d’Istrie, l’équipe du CCJ a participé à la fouille du plus ancien bateau cousu de Méditerranée (fin XIIe-fin Xe s. av. J.-C.) à Zambratija (Umag) et de deux autres épaves de bateaux cousus d’époque impériale découvertes dans le port antique de Pula. Bien que les activités de terrain en collaboration avec ce musée n’ont repris qu’en 2017 avec la fouille de l’épave de l’Antiquité tardive de Debeljak (Premantura), la collaboration n’a jamais été interrompue car l’expertise du CCJ a été plusieurs fois sollicitée pour le suivi du traitement de conservation des épaves de Pula, la publication des résultats des recherches communes et l’organisation d’une exposition itinérante centrée sur l’épave de Zambratija. Enfin, la collaboration avec l’Institut de conservation croate a porté sur l’étude de deux épaves : le chaland d’époque impériale avec chargement de briques de Kamensko (2015-2018) et une épave romano-républicaine découverte dans la baie de Paržine, île de Ilovik (2018). Le MEAE accompagne toutes ces recherches depuis 2010, avec les programmes « Navires et navigation en Dalmatie romaine : recherches d’archéologie maritime et navale Pag, à Caska (île de Croatie) » (2010-2013) et « ADRIBOATS - Navires et navigation en Adriatique orientale dans l’Antiquité » (2015-2018). L’Institut français à Zagreb a soutenu l’exposition sur l’épave de Zambratija et le dispositif Campus France a octroyé des bourses de mobilité, notamment en soutien d’étudiants croates inscrits au « Master of Maritime and Coastal Archaeology –MoMarch » de la Fondation *Amidex d’Aix Marseille Université. Cette même université appuie les recherches en Croatie par le biais de deux contrats doctoraux en partenariat avec l’Ecole française de Rome (projets de Mlle Alba Ferreira Dominguez intitulé « Les épaves de l’espace Adriatique oriental de la protohistoire à l’Antiquité Tardive : contribution à l’étude des traditions locales de construction navale » et de M Anton Divić intitulé « La dimension nautique de la rivière Kupa (Croatie) durant l’Antiquité »). Le LabexMed d’AMU, l’EFR et le Ministère de la Culture ont soutenu la Summer School ARS NAUTICA – Seafaring through the Ages. Nautical Heritage of the Mediterranean qui a eu lieu à l’Inter-University Centre de Dubrovnik du 7 au 10 juin 2017. Enfin, la mission a eu l’honneur de se voir décerner deux fois consécutives le Label Archéologie de l’Académie des Inscriptions et des Belles Lettres (2016-2017 et 2018-2019). Au-delà des importants et originaux résultats concernant la façade maritime et les structures portuaires de la villa maritime de Caska, les programmes « CASKA » et « ADRIBOATS » ont permis de récolter des données inédites sur la construction des bateaux de l’espace Adriatique. Les travaux de terrain en Dalmatie, Istrie et en Croatie continentale permettent d’ores et déjà de renouveler nos connaissances sur les traditions de construction navale de cet espace géographique. Ces recherches font émerger l’importance sur le plan nautique d’une région mal connue jusqu’à présent mais riche d’anciennes traditions locales (ligatures, agrafes) préservées grâce à des espaces nautiques particuliers (archipélagique, eaux intérieures), tout en étant ouverte aux influences d’autres traditions (tenons et mortaises) par le jeu des échanges économiques. La quatrième et dernière année d’activités du programme quadriennal « ADRIBOATS » a comporté trois opérations de terrain, en Istrie (Debeljak), dans la rivière Kupa (Kamensko) et dans l’archipel du Kvarner (Paržine), ainsi que des actions de valorisation. La mission à Debeljak, en collaboration avec le Musée archéologique d’Istrie, a permis de dégager presque dans sa totalité l’épave de l’Antiquité tardive dont la fouille avait commencé en 2017. Le fond du navire, complètement ouvert et aplati, présente un bordé assemblé selon la technique dite à « tenon et mortaise » et est conservé sur 14,3 m de long et 7 m de large. Les quelques fragments d’amphores renvoient à un chargement d’origine orientale (Late Roman 1) et confirment la datation C14 qui place la construction entre la fin du IVe et le début du Ve siècle ap. J.-C. Une dernière opération sur ce site est prévue en 2019. En parallèle, les analyses visant à l’identification du bois utilisé dans la construction seront finalisées dans l’espoir d’appréhender l’origine et le lieu de construction du navire. Les résultats seront comparés à ceux obtenus sur l’épave contemporaine de Pakoštane. Les activités de recherche en collaboration avec l’Institut de conservation croate ont porté sur deux sites d’épaves. A Kamensko, nous avons pu compléter l’étude du chargement et des structures de la coque du chaland. Nous pouvons estimer que le poids de la cargaison transportée dépassait les 5,4 tonnes. Puisque environ 82% des briques analysées (297 sur un nombre minimal estimé de 477) présente la même marque de production, un alpha imprimé sur l’argile avant le séchage, il est fort probable que cette embarcation transportait un chargement homogène provenant d’un même lieu de production. Un alpha est aussi gravé sur un des flancs du bateau ce qui nous permet d’émettre l’hypothèse d’un atelier ayant son propre moyen de transport pour écouler sa production. Comme les briques couvraient l’emplanture du mât de halage, il est probable que le bateau descendait la rivière au grès d’eau et que il ne s’agit pas d’un transport de briques depuis la colonie de Siscia (actuelle Sisak) qui se trouve en amont et où des briqueteries sont attestées par l’épigraphie. Au niveau architectural, le chaland de Kamensko, dont les vestiges sont conservés sur 12 m de longueur et 2 m de largeur, est construit « sur sole ». Le fond plat sans quille est constitué de trois longues virures en chêne. Deux pièces monoxyles façonnées dans deux troncs de chêne de grandes dimensions (jusqu’à 1 m de diamètre) forment les bouchains et les flancs de l’embarcation. La campagne 2018, nous a permis d’acquérir de données importantes sur le système de propulsion avec la mise au jour du massif d’emplanture du mât de halage et sur le système d’assemblage et d’étancheité de la coque. La sole, dont les virures sont assemblées par des petites agrafes métalliques placées à la fois à l’intérieur et à l’extérieur, est rendue étanche par des cordelettes en fibres végétales (lutage). L’étude de ce chaland a permis donc d’appréhender les caractéristiques techniques d’une tradition de construction navale d’époque romaine propre au bassin hydrographique du Danube et dont, à l’heure actuelle, nous connaissons seulement trois autres exemples à Kušjak en Serbie, dans la rivière Ljubljanica à Sinja Gorica en Slovenie et dans la Kupa à Sisak. Enfin, une courte expertise a été réalisée sur une épave du IIe siècle av. J.-C. découverte en 2016 dans la baie de Paržine, île de Ilovik. Les observations réalisées sur la quille ont permis d’émettre l’hypothèse d’un navire ayant une forme de carène dite « à retour de galbord », un profil transversal typique du type architectural hellénistique et dont l’archétype est à rechercher dans le bateau de Kyrenia de la fin du IVe siècle av. J.-C. Toutefois, la forme longitudinale de la coque de l’épave de Paržine est tout-à-fait inédite et peu documentée par l’archéologie. Le navire était caractérisé par un profil longitudinal asymétrique, avec un avant à étrave droit ou renversé, à l’exemple du célèbre navire de la Madrague de Giens (France, 75 et 60 av. J.-C.). Avenir du projet / renouvellement du programme : Compte tenu de la richesse du patrimoine nautique de la Croatie qui puise ses racines dans une histoire maritime et fluviale pluriséculaire, le programme « ADRIBOATS », qui apporte une expertise très spécialisée dans le champ disciplinaire de l’archéologie navale, mérite d’être renouvelé. Les liens tissus avec nos partenaires locaux sont solides. Le réseau de recherche que nous avons crée au fil des années est appelé à se développer compte tenu aussi de l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs dont certains ont choisi de se former en France dans le cadre du master d’excellence *Amidex d’AMU « MomArch » puis de continuer leurs recherches dans le cadre d’un doctorat en co-tutelle. A côté de l’achèvement de l’opération à Debeljak et de l’avancement du dossier de publication, deux opérations sont, à notre avis, très prometteuses et méritent un engagement forte de la France et de son savoir-faire appliqué à l’étude des embarcations antiques. Il s’agit de la poursuite des recherches sur la nouvelle épave de Paržine. Par sa datation (IIe s. av. J.-C.), le type de navire inédit (navire à étrave renversée ou droite), le chargement (Lamboglia 2 archaïques et, probablement, bois) et les conditions logistiques très avantageuses (appui des forces spéciales de la Police et du Musée archéologique de Mali Lošinj), la fouille de cette épave sera programmée en 2019 et 2020. L’autre projet phare est celui qui concerne le levage, l’étude complète, puis la conservation, restauration et exposition de l’épave de Zambratija. Cette épave, datée entre la fin du XIIe et la fin du Xe siècles av. J.-C., représente le chaînon manquant qui nous permet de suivre la filiation des bateaux cousus romains d’Adriatique orientale à partir d’une tradition de construction navale autochtone fortement localisée. Il s’agit d’une monoxyle assemblée unique dans son genre. Le début des opérations est programmé en 2021. Le projet s’appuie sur une dynamique forte et sur un réel engagement de notre partenaire, le Musée archéologique d’Istrie. Par ailleurs, un volume monographique en croate et en anglais est en cours de finalisation (12 sur 14 chapitres rédigés en anglais correspondant à 117 000 caractères espaces compris) et sera publié en 2019 dans la collection « Monografije i katalozi » du musée. En revanche, l’opération de renflouage du chaland de Kamensko, dont il avait été question en 2017, nous paraît actuellement prématurée compte tenu de la situation du Musée de Karlovac (conservatrice très jeune et inexpérimenté) et des relations entre ce musée et le Département pour la protection du patrimoine culturel de la région. Nous continuerons, toutefois, à offrir notre soutien si un porteur de projet croate prendra l’initiative de rédiger un cahier de charge réaliste. Notre présence sur place en 2019 pour une campagne photographique et de prospection en appui du projet doctoral de A. Divic, nous permettra aussi de mieux saisir les diverses opportunités qui pourront s’ouvrir. Publications scientifiques et valorisation de la recherche : Dans le cadre du programme « ADRIBOATS », nous avons organisé l’exposition itinérante « Zambratija - prapovijesni šivani brod / Zambratija - prehistoric sewn boat / Una barca preistorica cucita / Un bateau cousu préhistorique » qui a été proposé, entre juillet 2017 et septembre 2018, dans diverses villes croates (Pula, Zagreb, Sibenik, Zadar, Umag) ainsi qu’en France (JNA et 15th ISBSA à Marseille). La deuxième édition du catalogue a été publiée en 2018. Nous avons aussi organisé avec I. Radić Rossi, trois workshops à Dubrovnik, dont celui de 2017 a vu la participation d’une quarantaine de personnes entre experts et étudiants croates, français et d’autres nationalités. Les membres du programme ont présenté 18 communications orales ou sous forme de posters à des colloques internationaux et ont participé à une douzaine de séminaires ou conférences. Le volume monographique en croate et en anglais sur l’épave de Pakoštane a été publié dans la collection de l’Université de Zadar « Archaeology of Adriatic Shipbuilding and Seafaring » en 2018. Sur la quinzaine d’articles scientifiques ou chapitres d’ouvrages publiés ou sous presse, on rappellera l’article « Recherches d’archéologie navale en Adriatique orientale » paru dans les CRAI de novembre-décembre, 2016 (p. 1401-1422) et un grand article de synthèse accepté et à paraître en mars 2019 dans l’IJNA intitulé « Ancient Mediterranean Sewn Boat Traditions » (auteurs P. Pomey et G. Boetto). Un volume monographique sur le site de Caska est en cours de rédaction et sera publié dans la collection de l’Université de Zadar « Archaeology of Adriatic Shipbuilding and Seafaring ». La publication scientifique des épaves de Caska, Pula et Kamensko sera aussi prioritaire sur des revues de rang A (International Journal of Nautical Archaeology, Journal of Roman Archaeology, Archaeonautica, etc) ou dans le cadre de la publication des actes de colloques internationaux.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-01978907 , version 1 (11-01-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01978907 , version 1

Citer

Giulia Boetto. ADRIBOATS. Navires et navigation en Adriatique orientale dans l’Antiquité. Rapport des opérations 2018 et opérations projetées en 2019. [Rapport de recherche] Ministère de l'Europe et des affaires étrangères. 2018, pp.65. ⟨halshs-01978907⟩
199 Consultations
0 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More