Mohan Siṅgh : une poétique de l’ambivalence

Denis Matringe (1)

1 CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Mohan Siṅgh (1905-1978), que nous avons croisé comme nouvelliste au chapitre V, recueillit l’héritage des grands poètes des années 1920-1930 rencontrés aux chapitres II et IV, et il le transcenda, créant un idiome poétique divers, résolument moderne et ouvert à toute l’expérience humaine dès les trois recueils qu’il publia avant 1947 : Sāve pattar « Feuilles vertes » (1936), Kasumbhaṛā « Carthame » (1939) et Adhvāṭe « À mi-chemin » (1944). Avec Mohan Singh apparaît une poésie en panjabi d’auteur sikh dans laquelle le sikhisme est présent seulement comme l’une des composantes de la vie panjabie : le lien est désormais radicalement défait entre écriture poétique et apologétique. Le grand thème de Mohan Siṅgh est l’amour, et pour le chanter sa poésie s’empare en un harmonieux chant du monde de tout ce qui fait la réalité du Panjab, des paysages aux activités de la vie rurale et aux rapports sociaux. Sur le plan politique, Mohan Siṅgh a fait le choix du socialisme, comme nombre des écrivains de son temps, au premier rang desquels, parmi les sikhs, Sant Siṅgh Sekhoṃ. Mais il faudra longtemps pour que l’amour et l’espérance deviennent deux dimensions indissociables de son écriture. Lorsque paraît Adhvāṭe en 1943, l’horizon socialiste est encore, nous l’avons vu, subordonné dans la poésie de Mohan Siṅgh à l’expérience amoureuse : son narrateur n’en fait pas un choix actif, un combat ; le monde tel qu’il est lui convient, puisqu’il parvient, par l’amour, à y connaître le bonheur.

Domaines: Littératures; Histoire; Religions

Denis Matringe. Mohan Siṅgh : une poétique de l’ambivalence. Denis Matringe. Littérature, histoire et religion au Panjab, 1890-1950, Collège de France, pp.139-158, 2009. ⟨halshs-01954771⟩