Comédies françaises, une crise de rire. - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Autre Publication Scientifique Trois couleurs Année : 2010

Comédies françaises, une crise de rire.

Résumé

Le goût du terroir, des relents de Ve République, des dialogues ciselés par Audiard… Au-delà des clichés, l’observation des thèmes récurrents des comédies françaises fait émerger un certain nombre de lignes de forces qui en disent long sur la société de leur époque. La satire pour la critique de moeurs, la farce pour la critique politique… Le cinéma comique français est héritier d’une tradition qui puise directement sa source d’inspiration dans le répertoire théâtral, ce qui rend possible l’observation de plusieurs modèles narratifs plébiscités par le public. S’inspirant des travaux sur l’imaginaire dans l’histoire des systèmes politiques, Yannick Dehée identifie quatre grandes lignes de force qui parcourent le cinéma populaire français des années 60 à 2000, dont celle du patron et de l’esprit d’entreprise. La comédie populaire n’a en effet pas épargné le rapport qu’entretiennent les français à l’argent et au travail. Aux côtés de l’incontournable Avare, ou du Petit baigneur et de son trépidant chef d’entreprise (Louis de Funes), le film de Gérard Oury La Soif de l'or montre un Christian Clavier interprétant le PDG d'une entreprise de maisons préfabriquées élevé dans le culte du profit tandis que Pierre Jolivet, dans Ma petite entreprise, met en scène un petit patron obnubilé par son entreprise de menuiserie. Ce caractère entier du rapport au travail est partagé par le très consciencieux propriétaire (incarné par Bourvil) du restaurant de La cuisine au Beurre ou encore par le jeune cadre dynamique (Christian Clavier), symbole de la réussite des années 80 et de l’argent roi, devenu soudain prisonnier d’une communauté de Babas Cool dans le film de Francois Leterrier. En grossissant les traits, la comédie frise la caricature puisque l’on rit surtout du sérieux qui anime les projets de chacun des personnages. Le ressort de ce comique-là provient essentiellement de la représentation que se font les protagonistes d’une forme de réalité qui, elle, est présentée au spectateur de manière forcément plus « décalée ». La représentation du monde politique est en revanche plus bienveillante. La comédie de la Ve République raille souvent le politique mais s’aventure peu, contrairement au cinéma italien, par exemple, sur les fondamentaux qui assurent sa légitimité. C’est que le cinéma populaire français est encore un cinéma « du samedi soir ». Selon la première enquête du CNC sur les publics du cinéma, en 1954, 66% des français qui vont au cinéma le font pour se distraire et 8% pour rêver... Ce cinéma populaire connaîtra ses meilleures heures avant la destruction massive, au début des années 70, des salles de quartier, une période qui donnera d’ailleurs naissance à un nouveau genre de comédies. Les Bidasses en Vadrouille ou encore Les chinois à Paris sont typiques de ce qui sera alors diffusé dans les nouveaux complexes, ces cinémas de 3 à 9 salles ayant remplacé les salles de quartier, eux-mêmes remplacés plus tard par les multiplexes. La comédie populaire française connaît cet âge d’or en raison des difficultés économiques du secteur de l’exploitation, lequel misera sur deux stratégies de relance : d’une part les comédies pour enrayer la chute de la fréquentation, d’autre part les suites pour fidéliser le public. Cette relance profitera aux sagas des années Pompidou et Giscard (les Bronzés, les Sous doués, les Charlots, les Bidasses, les Gendarmes, Mon curé…), productions qui bénéficieront d’une censure plus permissive et qui deviennent aujourd’hui, de ce fait, extrêmement intéressantes pour les représentations sociales qu’elles proposent du comportements des Français en vacances. A côté du traditionnel thème du marivaudage (Joyeuses Pâques) ou de la revanche d’individus sur le destin (Simplet, Un idiot à Paris, Sénéchal le Magnifique, C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule, Comment réussir quand on est con et pleurnichard), d’autres thèmes émergent des années 90 comme la crise économique. Le film comique des années 2000 a plutôt tendance à devenir un film hybride mêlant plusieurs genres (Les deux mondes, Sa majesté Minor), se prêtant aussi à différents « niveaux de lecture » politiques et sociaux. Une tendance qui n’a pas échappée à Pierre Sorlin : « si le cinéma explore largement certains domaines, il en ignore d’autres complètement, ce qui aboutit à donner une importance disproportionnée aux thèmes qu’il traite». Enfin, on peut toujours se poser la question, comme le fait la dernière livraison de la revue Humoresques, de la solubilité du comique « à la française » hors des frontières hexagonales. Le succès des Visiteurs et l’échec de la version tournée par son réalisateur pour le marché US afin d’en éviter le remake conforte l’hypothèse de Katalin Pór qui rappelle qu’Hollywood a finalement toujours préféré se nourrir des comédies des autres, puisant notamment dans le répertoire théâtral européen le matériau de ses comédies classiques. Du théâtre à Hollywood, un cycle logique ferait finalement sens dans l’histoire de la comédie, exploitant le caractères universel de ces comédies pourtant très locales produites par la France et par les pays de la vieille Europe. Pour en savoir plus : Humoresques n° 28, « Comique télévisuel, comique filmique », 2008 Dictionnaire du cinéma populaire français, Nouveau Monde Editions, 2009 Yannick Dehée, Mythologies Politiques du cinéma Français, PUF, 2000
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Citer

Frédéric Gimello-Mesplomb. Comédies françaises, une crise de rire.. dossier comédies françaises, 2010, pp.10-11. ⟨halshs-01941563⟩
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