Morale et poétique dans Les Aventures de Télémaque - HAL Accéder directement au contenu
Chapitre d'ouvrage Année : 2009

Morale et poétique dans Les Aventures de Télémaque

Résumé

Le conflit entre éthique et poétique se noue, chez Platon et Aristote, en même temps que naît la réflexion sur l'art. Platon chasse les artistes de sa république pour des raisons qui sont en partie morales, même s'il s'agit surtout, à partir de critères ontologiques, de ramener les imitations à leur essentielle facticité et de montrer le caractère tout à fait exorbitant de leur prétention à l'universalité : le peintre peut tout représenter, mais ce pouvoir repose sur une illusion qui ne résiste pas à l'examen. Seul le philosophe est le vrai spécialiste de l'universel parce qu'il rapporte sa contemplation non à des imitations d'imitations mais aux Idées même. Aristote réévalue l'art, et particulièrement la mimèsis tragique, à partir de considérations elles aussi partiellement éthiques. Si l'art imite la nature, il le fait pour nous donner à voir et à penser ce qui sans le secours des représentations risquerait de rester inaperçu. La tragédie permet alors d'explorer un espace que la pensée éthique, qui se fonde sur le fait que la vertu produit le bonheur, ne peut pas considérer. La mimèsis tragique s'installe dans la région indécise située entre la vertu malheureuse et le crime impuni, celle de la faute tragique. Mais, de manière générale, pour la pensée grecque, les difficultés profondes de l'art concernent surtout ses rapports avec la connaissance : Platon pense qu'il nous détourne du savoir, et que seul le philosophe peut trouver le chemin des Idées ; pour Aristote, l'art nous permet de reconnaître la finalité, qui est pour lui synonyme de beauté, là où on pourrait ne pas la voir. Il semble que la question des rapports entre la poésie et la connaissance passe ensuite au second plan, au profit de la tension entre art et morale. Dès que la Poétique a pu être prise en compte par la pensée occidentale, il s'est agi d'en moraliser les concepts en s'appuyant sur Horace et en se fondant sur les considérations désormais chrétiennes à partir desquelles la question des vertus pouvait s'articuler. Le récit de Fénelon n'ignore rien de cette histoire des rapports difficiles qu'entretiennent la morale et la fiction. Le Télémaque envisage moins de résorber théoriquement le conflit que de soumettre entièrement les pouvoirs de la fable aux impératifs d'un enseignement de la vertu. Dans le cadre d'un moralisme très surveillé, la nécessité de plaire est soigneusement subordonnée au besoin d'instruire. Fénelon inscrit sa narration dans un dispositif essentiellement pédagogique, ce qui lui permet d'en contrôler soigneusement les effets, non seulement par l'agencement concerté du texte, mais aussi par un discours d'accompagnement que l'on peut reconstituer à partir des leçons qui abondent dans le récit.
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Citer

Jean-Luc Martine. Morale et poétique dans Les Aventures de Télémaque. Fénelon, les leçons de la fable. Les Aventures de Télémaque, Presses Universitaires de France, 2009, Série XVIIe siècle français ; Collection CNED-PUF, ISSN 1955-2955, 978-2-13-057842-0. ⟨halshs-01910469⟩
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Dernière date de mise à jour le 21/04/2024
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