Inventer l’invention. Les métaphores de l’invention à la fin de l’âge classique - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Canadian Aesthetics Journal Année : 2006

Inventer l’invention. Les métaphores de l’invention à la fin de l’âge classique

Résumé

Parler des métaphores de l'invention peut s'entendre de deux manières (au moins). Il peut s'agir de la représentation de ce qu'on a pu appeler « invention » (est-ce une notion, une faculté, un objet, un dispositif matériel ?) sous les traits de métaphores et, plus largement, d'analogies. L'invention est alors le nom d'une première série d'éléments textuels, définis par un régime spécifique d'aperception ou d'instauration : celui des similitudes que la notion d'invention entretiendrait avec un autre ordre de phénomènes. Ces « illustrations » se laissent préciser en trois sous-séries dont les territoires se recoupent partiellement : le vivant (l'invention, quand elle est le produit d'une faculté, est donnée dans les termes d'un engendrement, quand elle est saisie comme produit, elle est rapportée à une totalisation organique) le mécanique (ici l'invention est saisie comme imitation, composition et recomposition du déjà-là, ou bien comme découverte, dans son rapport avec la connaissance objective) et la machine (où se forme une synthèse des deux espaces précédents, mais avec un accent porté sur les mystères de l'inventivité et de l'effectivité). Une seconde manière de comprendre la relation entre métaphore et invention invite à renverser le propos. La métaphore participe d'un processus qui relève lui-même de l'idée d'invention, entendue dans le sens moderne qui se fait jour à l'articulation les XVIIIe et XIXe siècles, lorsqu'apparaissent les valeurs modernes de « littérature ». Il en va alors de l'invention moderne de la métaphore. L'âge classique a compris très généralement le phénomène métaphorique comme un ornement du discours, comme une beauté expressive privée de valeur ontologique ou signifiante. Selon ce modèle, les métaphores peuvent (en droit, si ce n'est en fait) être traduites et littérarisées, sans déperdition de sens. Elles appartiennent à un plan strictement poétique où elles sont comprises comme des agréments expressifs 1. C'est ainsi que le Dictionnaire françois de Richelet indique que la métaphore est la « Figure par laquelle en prenant un mot qui marque proprement une chose on se sert de ce mot pour exprimer une autre chose qu'on veut représenter avec plus de force et plus de grâce », l'exemple d'emploi précisant qu'elle « doit être suivie et tirée des choses honnêtes ». Le Dictionnaire universel de Furetière, dont la leçon est suivie par l'ensemble des éditions du dictionnaire de Trévoux jusqu'à la fin de l'âge classique (la dernière édition est de 1771), veut que la métaphore soit une « Figure de Rhétorique, qui se fait quand un nom propre d'une chose se transporte à une autre qui n'en a point », mais que cette transposition intervient « lorsqu'elle est plus élégamment expliquée par le nom transposé qu'on lui applique, que par celui qu'elle pourrait avoir naturellement, comme quand on dit, la lumière de l'esprit, brûler d'amour, flotter entre l'espérance et la crainte ». Nous sommes alors au plus loin, si l'on s'en tient aux termes de cette vulgate, de toute idée de création verbale, susceptible d'instaurer un rapport inédit entre deux ordres au moyen d'une impertinence prédicative, qui, en bouleversant l'ordre catégoriel, ouvrirait sur une re-description du monde 2. Nous partons alors de l'idée suivante : les changements qui permettent la naissance de la métaphore moderne entretiennent des rapports étroits avec la naissance de l'idée d'invention lorsqu'elle est absorbée par celle de création, et ces deux phénomènes relèvent d'un troisième, qui les subsume : la naissance de la littérature. Sur ces trois plans, la question des images implique un 1 Cette pauvreté est sans doute à mettre en relation avec l'absence de l'esthétique comme disciple autonome. L'âge classique n'est en effet jamais parvenu à poser clairement (mais en avait-il besoin ?) les termes d'une expérience proprement esthétique. Cette carence renvoie par ailleurs à un statut de la littérature qui est devenu tout à fait étranger à l'ensemble des notions que recouvre pour nous, même vaguement, ce terme. 2 On reconnaitra là la description que propose Ricoeur du processus métaphorique, voir La Métaphore vive.
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halshs-01910463 , version 1 (01-11-2018)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01910463 , version 1

Citer

Jean-Luc Martine. Inventer l’invention. Les métaphores de l’invention à la fin de l’âge classique. Canadian Aesthetics Journal, 2006, Métamorphoses de l'invention au siècle des Lumières, 12. ⟨halshs-01910463⟩
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