L'ordre encyclopédique à l'épreuve des machines : les désignants dans la description des arts - HAL Accéder directement au contenu
Communication dans un congrès Année : 2006

L'ordre encyclopédique à l'épreuve des machines : les désignants dans la description des arts

Résumé

Parler d'ordre encyclopédique ne doit pas dissimuler la pluralité que traduit « encyclopédie » lorsque le terme désigne à la fois l'ouvrage et l'objet représenté. Plusieurs ordres interviennent alors de manière concurrente dans l'agencement de plusieurs encyclopédies. Il en va des relations entre une encyclopédie objective (un « enchaînement des connaissances 1 »), où la totalité du savoir s'ordonnerait comme d'elle-même, et les ordres subjectifs d'une encyclopédie, qui serait la représentation de la première. Ces tensions reconduisent le problème général de la mimésis : entre l'objet représenté (la totalité structurée du savoir) et sa représentation, apparaît un irréductible déficit. L'Encyclopédie affronte cette difficulté et une part de son intérêt procède de la visibilité qui en résulte : la perte de l'unité postulée permet de considérer les forces antagonistes qui rendent l'unification à la fois difficile et nécessaire. La multiplicité des ordres, ou le choix pratique d'un ordre qui n'exclurait pas les autres, sont les signes de ce manque en même temps qu'une manière le rendre productif. L'arborescence, où chaque article trouverait sa place au moyen du procédé « désignant », est l'un des moyens de cette mimésis dont le manque par rapport à ce qu'elle imite est toujours éclairant, précisément grâce à l'écart-au jour-qui apparaît. Ce caractère représentatif invite à envisager le projet encyclopédique comme une esthétique en acte. Nous nous en tiendrons à quelques remarques concernant les machines. Ce rapprochement entre ordre et machine n'est pas arbitraire : l'idée de machine est également un objet de représentation et un instrument mimétique. La notion est cependant anomique et instable. « Machine » n'est pas un générique qui s'appliquerait à un ensemble structuré de sèmes ou de référents. Il participe de structures catégorielles complexes et parfois surprenantes. Cela résulte d'une histoire longue qu'il ne saurait être question ici de reprendre ici. Il est possible cependant d'indiquer les lignes suivant lesquelles l'idée s'agence. Le plan le plus ancien, et l'ordre de puissance avec lequel les mots de la machine ont sans doute le plus d'affinités, relève de l'efficience pratique que décrivent Détienne et Vernant 2. L'idée de machine implique alors la captation de puissances efficaces, dont les causes méconnues sont détournées de leurs fins propres. Le second plan est scientifique : il s'agit de rendre intelligibles les procédés que l'ingéniosité pratique sait mettre en oeuvre sans les comprendre. C'est le lieu des méchaniques, devenues la science géométrisée du mouvement. Le troisième plan, celui des arts mécaniques, est problématiquement situé. Dévalorisé par sa proximité avec la main, il cherche ses lettres de noblesse en se constituant comme une technologie (une science appliquée), ce qui le rend foncièrement différent des arts. Cependant, il reste un espace d'invention et de découverte, où les valeurs anciennes de l'intelligence avisée continuent de se manifester. L'instinct de méchanique étonne et humilie la raison par une capacité inventrice qui échappe aux savoirs stabilisés et par une efficience qui ne résulte pas de la connaissance des principes. Ces tensions s'inscrivent dans le sémantisme de « machine », qui dessine un espace d'affrontement entre les puissances de l'esprit. Cet antagonisme remotive le hasard d'une double racine grecque et latine (mèkhanè et machina) qui a permis le développement de deux familles lexicales, celle de « machine » et celle de « mécanique ». Dans le lexique organisé autour de « machine » s'incarnent les idées d'inconnu, de secret, de dissimulation ; dans les mots qui gravitent autour de « mécanique » s'expriment la clarté des savoirs et la maîtrise des compétences. La description des arts
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Citer

Jean-Luc Martine. L'ordre encyclopédique à l'épreuve des machines : les désignants dans la description des arts. Les Branches du savoir dans l’Encyclopédie, Marie Leca-Tsiomis, Nov 2004, Paris, France. ⟨halshs-01910456⟩
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Dernière date de mise à jour le 07/04/2024
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