, Kelsen irrite parce qu'il dénonce l'hypocrisie politique et morale des juristes qui ne cessent de prétendre imposer leurs vues au nom d'un droit réputé objectif. La théorie de Kelsen se présente comme l'élaboration formelle d'une science purifiée de toute considération politique, ce qui se comprend assez bien dans le contexte d'une époque saturée d'idéologies et propices à l'affirmation du droit parmi les sciences sociales. Elle conduit à dissocier le droit de la politique, et à rendre possible, par là même (ce qui est souvent mal compris), la politisation du droit. Dans un premier mouvement, la technique du droit est apolitique. Les notions " d'État " ou de " contrat " ne sont pas plus libérales que socialistes, fascistes que communistes, Kelsen explique pourquoi son ouvrage a donné lieu à tant d'opposition et de haine 26, 1934.

, Pour ma part, je serais plutôt tenté de politiser ouvertement le débat juridique, surtout dans ses aspects les plus techniques 28 ; ou encore d'adopter une posture archi-technique à même d'élucider le style juridique français. Avec plus de recul et de finesse, Carlos Herrera nous invite à prendre conscience de l'espace entre le droit et la politique et des " notions sas " par lesquelles les idées politiques acquièrent une signification juridique, et dont une " théorie juridique du politique " permet de rendre compte 29. Les pistes de recherche visant à éclairer le rôle du juriste au regard du lien social sont donc multiples. Toutes nous semblent devoir prendre pour point de départ l'affirmation de la technique juridique, par laquelle transite les désirs de changement social, comme ceux de verrouillage de la société, J'avoue ne jamais avoir eu de fascination pour les constructions de la théorie pure, même si j'admire l'adresse de son auteur pour combattre les juristes moralisateurs et donneurs de leçons 27

H. Kelsen, Kelsen et la théorie générale du contrat " in Actualité de Kelsen en France, sous la direction de Carlos Miguel Herrera, Théorie pure du droit, vol.27, p.p. IX, 1960.