Strangered with our oath” (1.1.205) : la dynamique de la mise au ban dans King Lear
Résumé
Plusieurs personnages, et non des moindres, sont bannis dans King Lear, qu’ils soient reniés puis exclus du royaume par décision d’une autorité (Cordelia, Kent, Edgar) ou qu’ils se voient interdits de séjour chez eux ou chez leurs proches, victimes d’une expropriation forcée (Lear, Gloucester). La mise au ban, l’une des quatre grandes formes de tactique punitive selon Foucault, est à l’œuvre dans la tragédie shakespearienne et même au cœur de sa dynamique. On s’intéressera au rapport entre mise au ban et abus de pouvoir, en soulignant l’absence de procédé légal, l’aspect symptomatique de la violence physique et métaphorique, la récurrence du terme « wrath » qui signale le glissement de la loi à la vengeance individuelle, la déterritorialisation comme talion. On verra que l’errance et l’expérience des limites qui découlent de la mise au ban s’éprouvent dans hors-carte, un no man’s land(e) où repères spatio-temporels, ligne de fuites et trajectoires linéaires sont niées, où seules restent perceptibles la métaphore verticale de la chute sociale et de la dégradation de l’humain, et l’ailleurs de l’imaginaire, du fantasme ou de la folie. Enfin, on s’interrogera sur l’éventuelle réversibilité du revers de fortune, sur la dynamique réversible et cyclique du passage de l’endroit à l’envers (et vice versa), et on se demandera si une des spécificités de King Lear (par rapport à des pièces comme King Richard II, As You Like It ou Coriolanus) n’est pas de reléguer à la marge ce mouvement de bascule pour jeter un éclairage plus cru sur les formes de décrochages qu’entraîne la mise au ban.
Domaines
Littératures
Loading...