Le vagin : miroir des inquiétudes sociales face à l’épidémie de VIH/sida - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2016

Le vagin : miroir des inquiétudes sociales face à l’épidémie de VIH/sida

Résumé

La matérialité du corps, et notamment du corps sexué, a longtemps été maintenue hors du champ de la recherche en sciences sociales sur le VIH/sida, alors qu’elle devrait constituer une base descriptive de la recherche ethnographique. Cette présentation aborde la promotion de l'abstinence en tant que stratégie préventive au Togo, à partir de la problématisation de la notion de virginité ainsi que d’une réflexion sur les discours et les pratiques concernant le vagin (terme émique qui se réfère tant au vagin décrit par l’anatomie qu’à d’autres parties du sexe féminin). Cette étude est basée sur une enquête qualitative réalisée par observation, immersion et entretiens semi-directifs. La notion de virginité comme intégrité de l’hymen correspond à la définition biomédicale. Mais les tests traditionnels de virginité comportent l’examen de différentes caractéristiques du vagin : sa lubrification, ses dimensions, sa tonicité, sa couleur. Dans la cérémonie d’initiation Akpema (nord du Togo), les filles doivent défiler complètement dénudées : les anciens membres de la communauté observent le vagin des filles, qui doit être petit, poilu, tonique, rose. Après le défilé, les jeunes Akpenou s’assoient sur la pierre sacrée : si la fille n’est pas vierge, elle attirera la « punition de la pierre ». Si l’épreuve est passée avec succès, la jeune fille est prête à se marier. Dans ce contexte, la virginité est conçue comme un statut social et symbolique qui concerne la famille et la communauté. Par contre, dans le passé, le fait d’avoir des enfants hors du cadre du mariage n’était pas dévalorisant pour une femme dans l’aire culturelle Adjatado du Sud-Togo, où la notion de féminité était traditionnellement construite autour de la fertilité. Certains rites vodu sont toujours réservés aux jeunes filles pré-pubères et la virginité demeure un symbole de protection contre l’envoutement : le rapport sexuel rendrait l’individu vulnérable aux mauvais esprits. Aujourd’hui, dans le contexte de l’expansion des mouvements religieux chrétiens, la chasteté des jeunes filles jusqu’au mariage est considérée comme une norme religieuse et, souvent, comme une forme de protection contre les forces sataniques. Dans les conceptions transnationales d’origine étatsunienne, façonnées par la culture psychologisante des années 1970 et son insistance sur le choix personnel, on assiste à une sorte de « dématérialisation » de la notion de virginité (notamment avec la conception de seconde virginité), parallèlement à sa « sanitarisation ». Nous nous proposons ici d’explorer la manière dont les conceptions traditionnelles se combinent avec la notion de virginité globalisée et nord-américaine dans le contexte de l’activisme pro-virginité développé en milieu urbain au Togo face à l’épidémie de VIH. Pour conclure, nous interrogerons les discours des jeunes femmes autour du vagin. Qu’est-ce qu’ils nous disent sur la manière dont la virginité est vécue et pensée ? On montera que le vagin est souvent évoqué dans de discours concernant la séduction, le plaisir des hommes, la « moralité » (individuelle, sociale) et la santé (individuelle, collective). Un vagin perçu comme large ou mouillé est souvent considéré comme vecteur de maladies et conséquence de l’« immoralité ». De nombreuses filles utilisent des produits chimiques qui provoquent un resserrement momentané des tissus du vagin et donnent une « apparence de virginité ». Dans la société urbaine contemporaine togolaise, le vagin semble devenir une sorte de miroir social où se reflètent les inquiétudes liées à l’épidémie de sida et au changement du rôle social de la femme. Cette recherche questionne les implications politiques de « l’esthétique du vagin » dans une société en transformation et dans le contexte de l’épidémie de VIH.
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Dates et versions

halshs-01764453 , version 1 (12-04-2018)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01764453 , version 1

Citer

Francesca Mininel. Le vagin : miroir des inquiétudes sociales face à l’épidémie de VIH/sida. Sciences sociales et VIH/sida en Afrique subsaharienne , Dec 2016, Abidjan, Côte d’Ivoire. ⟨halshs-01764453⟩
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