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Communication Dans Un Congrès Année : 2014

Rue, islam associatif et enjeux citoyens : retour sur des orientations récentes au Sénégal, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire

Résumé

Entre le milieu des années 1970 et la fin des années 1980, des associations islamiques telles que la Jamaatou Ibadou Rahmane (JIR) au Sénégal, le Mouvement Sunnite du Burkina Faso (MSBF) et l’Association des Musulmans Sunnites de Côte d’Ivoire (AMSCI) ont commencé à investir fortement l’espace public et urbain en prônant une nouvelle moralisation des fidèles et une affirmation de marqueurs identitaires. La JIR s’est notamment opposée avec virulence à la laïcité de l’État en organisant des forums-débats à la mosquée inachevée de Yoff alors que le MSBF a remis en question le leadership de la Communauté Musulmane du Burkina Faso (CMBF) en la concurrençant notamment à travers la construction de mosquées et de médersas dans l’espace urbain. L’AMSCI, quant à elle, a investi les espaces autour des marchés et des centres commerciaux des quartiers populaires et rejoint les fidèles sur leurs lieux de travail (universités, administrations publiques) Or, à partir des années 1990 et surtout au cours de la décennie 2000, la vitalité de ces mouvements devient plus contrastée. Ainsi, se basant sur des terrains successifs à Dakar, Ouagadougou et Abidjan, nous démontrerons que si ces associations investissent de plus en plus l’espace urbain et s’affirment au sein des jeunes, des femmes et des cadres dans des lieux laïcisés, mais aussi dans des quartiers récents ou non lotis, elles connaissent toutefois une phase transitoire. D’une part, ceci s’observe par le désir de critiquer moins directement la laïcité de l’État afin de participer plus activement au débat citoyen depuis 2000 et d’entrer plus clairement dans le jeu électoral (cas sénégalais); par le maintien d’une posture de retrait du politique, en adoptant une muette complicité avec l’État (assassinat du journaliste Norbert Zongo, projet ZACA, instauration du Sénat) sans pour autant vouloir influer sur le cours de la vie politique dans un contexte semi-autoritaire (cas burkinabé) – dans les deux cas, il s’agit de gagner une légitimité religieuse auprès de l’État –; ou par le fait de cibler les pratiques et discours des leaders de la communauté musulmane nationale afin de bénéficier d’une visibilité renouvelée, de renforcer la position de ses cadres dans plusieurs structures politiques et d’être un interlocuteur des pouvoirs publiques à l’instar du Conseil Supérieur des Imams ou du Conseil National Islamique (cas ivoirien). D’autre part, ces associations multiplient les actions pour une hyper moralisation de l’individu et de la société au point de tenter de saturer l’espace urbain par le religieux (effectif au Sénégal et en progression dans les deux autres pays) ; elles modernisent les techniques de prêches dans la rue et dans les mosquées en mettant de l’avant de jeunes imams et prêcheurs – pas nécessairement formés dans les pays arabes, mais dans des madrasas locales – et répondent favorablement aux initiatives des femmes pour consolider les liens de sociabilité et de socialisation religieuse tant dans les maisons que dans les quartiers (cours de soir d’arabe, causeries, conférences, séances de prières quotidiennes dans les jardins et sur les trottoirs). En outre, ces trois associations s’adaptent différemment aux nouvelles dynamiques de médiatisation du religieux. Alors que plusieurs responsables de la JIR demeurent divisés quant à la pertinence de se lancer dans une politique de communication par peur de banaliser l’action islamique, la MSBF et l’AMSCI investissent résolument les médias. Elles y voient un moyen d’être visibles partout et à tout moment et de diffuser leurs spécificités doctrinales et de sortir, pour la MSBF, ses membres féminins, de la claustration, rompant en cela avec le passé. Ainsi, ces trois associations sont résolument ancrées dans l’espace urbain en investissant différents lieux – publics et privés –, en faisant participer tous les profils de fidèles et en accompagnant leur militantisme à travers différentes actions visibles dans des lieux ouverts, fermés voire plus privés et finalement en s’engageant différemment dans le débat politique et citoyen.

Domaines

Religions
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-01714894 , version 1 (22-02-2018)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01714894 , version 1

Citer

Muriel Gomez-Perez, Frédérick Madore, Boukary Mathias Savadogo. Rue, islam associatif et enjeux citoyens : retour sur des orientations récentes au Sénégal, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Le clos et l’ouvert. Acteurs religieux, acteurs sociaux et usages de la rue (Europe, Afrique, Asie, Amériques), Oct 2014, Saint-Louis du Sénégal, Sénégal. ⟨halshs-01714894⟩
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