Saint-André-des-Eaux (22), ancienne église Saint-André. Rapport final d'opération archéologique. - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Rapport (Rapport De Recherche) Année : 2010

Saint-André-des-Eaux (22), ancienne église Saint-André. Rapport final d'opération archéologique.

Stéphane Büttner
Philippe Gode
  • Fonction : Auteur
Damien Martinez

Résumé

Le village de Saint-André-des-Eaux (Côtes-d’Armor) se situe à une dizaine de kilomètres au sud-est de Dinan, dans la basse vallée de la Rance. L’ancienne église se trouve à l’écart des zones d’habitation du bourg, dans un secteur autrefois marécageux, dénommé « prairie de Bétineuc », que la création d’un étang artificiel dans les années 1970 a permis d’assainir. Le contexte géographique est marqué par un maillage resserré de rus et de ruisseaux et par une grande diversité géologique, caractérisée par la présence des gisements de calcaire coquillier du bassin du Quiou. L’église est regroupée avec le cimetière paroissial qui lui est dévolu sur un terre-plein enserré dans un mur de terrasse en pierre sèche. Cimetière et église étant fréquemment inondés par les crues de la Rance avant la création de l’étang de Bétineuc, l’un et l’autre furent abandonnés à la fin du XIXe siècle, au profit d’un nouveau lieu de culte érigé dans le bourg et d’un nouveau cimetière, dont le mur de clôture a été construit à l’aide des matériaux récupérés sur l’ancienne église. Celle-ci, en partie ruinée, a été laissée à l’abandon depuis cette date, jusqu’à ce qu’intervienne son classement au titre des Monuments historiques en 1990. L’église est particulièrement réputée pour ses peintures murales, et sa construction est généralement estimée entre le XIe et le XIIe siècle. Cependant, elle n’est mentionnée qu’à partir de 1581, dans les registres paroissiaux de la commune. Selon certains historiens, la création de la paroisse de Saint-Andrédes- Eaux résulterait du démantèlement des paroisses primitives de Plouasne et de Plumaudan au XIIe siècle, dont elle aurait pu initialement former une paroisse intermédiaire (trève). Par ailleurs, la paroisse de Saint-André, bien qu’emprise sur le territoire de l’évêché de Saint-Malo, relève du diocèse de Dol. Cette situation pourrait justifier une appartenance ancienne au temporel de l’abbaye doloise, fondée par saint Samson en 548 et sur les possessions de laquelle se constitue l’évêché au cours du haut Moyen Âge. Les campagnes archéologiques menées de 2007 à 2008 avaient pour objectif de réaliser une étude complète des élévations et des vestiges de peintures murales conservés in situ. Quatre sondages au sol ont permis en outre d’apporter de précieux compléments d’informations sur l’origine et l’évolution du site ainsi que sur la nature des décors peints successifs, grâce à la découverte de plusieurs centaines de fragments d’enduits peints conservés dans les niveaux archéologiques liés à la démolition de l’édifice. L’église romane s’implante sur un édifice plus ancien, dont seule l’arase d’un mur orienté est-ouest, doté d’un décrochement vers le sud, a été repérée sous le massif de fondation du piédroit nord de l’arc triomphal. Il est impossible, en l’état de nos connaissances, de préciser le plan et la datation de ce bâtiment, bien que l’on puisse envisager qu’il s’agisse d’une première église. L’église romane, édifiée sur les vestiges de ce premier bâtiment, est construite au cours du XIe siècle, sans doute entre 1025 et 1075 comme l’indiquent deux datations au radiocarbone effectuées sur des charbons contenus dans les mortiers et comme le laissent présumer les caractéristiques techniques de la construction. L’édifice respecte un plan simple, formé d’une nef rectangulaire à laquelle est accolé un chevet plat moins haut et plus étroit ; ce parti général ne sera que peu affecté par les réaménagements architecturaux ultérieurs. L’ensemble, autrefois charpenté, est de dimensions modestes, n’excédant pas 19 m de long pour 8 m de large hors-œuvre. Deux accès sont possibles : l’un au sud, qui ouvre sur le gouttereau de la nef et l’autre au nord, qui donne directement accès au chœur. L’éclairage est assuré par une série de baies étroites, élancées et haut placées sur les murs. Un arc triomphal en plein-cintre, à double rouleau du côté occidental, sépare la nef du chevet. L’arrachement d’un des autels secondaire a été identifié à l’angle nord-est de la nef ; la stratigraphie indique qu’il a été aménagé dès la construction de l’église, faisant ainsi remonter à la période romane cette disposition liturgique. Ces caractéristiques architecturales rapprochent l’église de Saint-André-des-Eaux d’un petit groupe d’édifices paroissiaux, de construction sans doute contemporaine, localisés autour du bassin du Quiou et dont l’église Saint-Agnès de Tréfumel, assez bien conservée dans son état initial, offre une excellente illustration. Dans un premier temps, les murs de l’église n’ont reçu aucun décor peint. La finition de la surface murale est cependant soignée, comme l’atteste la réalisation de joints rubanés ou tirés à la pointe, rehaussés d’un léger badigeon blanc, sur le front de l’arc triomphal et autour des baies du chœur. La réalisation de la première campagne picturale, qui couvre la totalité des murs de l’église, intervient sans doute au cours du XIe siècle, mais il est impossible d’évaluer précisément l’intervalle survenu entre la construction et la mise en place de ce premier décor. Cette campagne picturale est caractérisée par un ensemble à dominante ornementale, dont les thèmes géométriques simples (dents de scie, chevrons, arceaux, etc.) se détachent dans des tons ocre rouge et gris bleu sur un fond uniformément blanc. Les motifs polychromes se déclinent en registres et en bandes horizontales qui animent la paroi murale et encadrent les ouvertures. Ce type de décor – largement inédit à l’échelle d’un programme entier pour la période romane – semble viser la reproduction en peinture de motifs ornementaux récurrents dans les techniques des appareillages décoratifs, de l’opus sectile ou de la sculpture géométrique. On peut le rapprocher de certains exemples de peinture décorative connus à la période préromane, généralement à l’extérieur des édifices (clocher de Romainmôtier, Suisse) et d’une tendance aux décors géométriques qui se développe dans le domaine anglo-normand à partir du XIIe siècle (église de Saint-Céneri-le-Gérei, Orne). Une seconde phase décorative est caractérisée par la réalisation de scènes figuratives qui couvrent les premières peintures ornementales. Ce second décor roman a entièrement disparu des murs de l’église, mais des documents iconographiques du début du XXe siècle indiquent qu’il comportait une grande Crucifixion, peinte au sud de l’arc triomphal, sur le mur est de la nef. Cette œuvre présente des caractéristiques stylistiques qui permettent de la dater de la fin du XIIe ou du tout début du XIIIe siècle. Une troisième phase décorative intervient ensuite : il s’agit d’un décor de faux-appareil à double traits rouges, aux angles garnis de volutes et dont le centre de chaque module est décoré d’une fleur à six lobes. Sa datation peut s’échelonner entre le XIIIe et le XVe siècle. Des transformations architecturales sont effectuées au début du XVe siècle. La construction du porche au-devant du portail sud peut être datée de 1418 grâce à une inscription lapidaire, désormais réutilisée dans le mur de clôture du nouveau cimetière. L’aménagement de nouvelles baies sur le mur sud, moins hautes et plus larges, intervient peut-être dans la même phase de travaux, ou bien quelques temps après. Cette phase de réaménagement s’accompagne peut-être de la reconstruction du maître autel, dont les fondations ont été retrouvées au cours de la fouille et que l’on peut dater au plus haut de la fin du XIIIe siècle. Les derniers réaménagements interviennent à la période moderne. Ainsi, un nouveau décor peint est appliqué sur les murs après le percement des baies au sud, sans doute entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Il s’agit d’un badigeonnage blanc rehaussé d’un faux-appareil jaune cantonné à l’encadrement des ouvertures. Le mur de l’arc triomphal subit également plusieurs modifications à cette époque, avec l’aménagement d’un grand retable maçonné du côté de la nef, d’un type courant dans les édifices de la région. On sait également qu’un clocher à sub-structure de bois est construit dans la nef. La construction d’une sacristie au nord du chœur en 1696 et l’installation d’une chaire à prêcher dans la nef en 1713 peuvent être précisément datées grâce aux informations données par les registres paroissiaux. Les sondages n’ont pas permis de préciser si la nécropole associée à l’église est utilisée depuis l’origine du site, puisque les plus anciennes sépultures découvertes remontent à la période moderne. On peut toutefois supposer, étant donnée l’exiguïté du cimetière, que les inhumations médiévales ont été régulièrement relevés pour faire place aux sépultures les plus récentes. L’étude de l’ancienne église de Saint-André-des-Eaux, au-delà des seuls résultats chronologiques, apporte donc de nouveaux éléments de réflexion sur l’archéologie, l’histoire et l’histoire de l’art de la Bretagne médiévale. Il apparaît tout d’abord que la péninsule participe pleinement des courants artistiques romans, à la croisée des espaces ligériens et anglo-normands, y compris dans le domaine de la peinture murale ; ce que ne laisse pas forcément présumer le peu de vestiges conservés en la matière. Par ailleurs, la présence d’un édifice antérieur à l’église romane, qui semble attester de l’ancienneté du sanctuaire, invite à approfondir nos connaissances sur les églises rurales du haut Moyen Âge de la péninsule, dans une perspective d’étude du peuplement et de la formation du territoire paroissial de l’Armorique chrétienne. On peut enfin s’interroger sur les motivations qui ont pu pousser à la réalisation de tels décors peints dans un sanctuaire d’apparence aussi modeste. Pour cela, il faut sans doute réévaluer l’importance de cette catégorie d’églises paroissiales, isolées hors des zones d’habitations, en tant que centres religieux attractifs (pèlerinages ?) et comme instruments clés de l’encadrement civil et ecclésiastique dans des territoires paroissiaux morcelés (enclaves doloises).
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Dates et versions

halshs-01674996 , version 1 (03-01-2018)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01674996 , version 1

Citer

Mathias Dupuis, Stéphane Büttner, Philippe Gode, Damien Martinez. Saint-André-des-Eaux (22), ancienne église Saint-André. Rapport final d'opération archéologique.. [Rapport de recherche] Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne, Service régional de l’archéologie; Conseil général des Côtes d'Armor. 2010. ⟨halshs-01674996⟩
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