D'un système linguistique à l'autre : trahir pour traduire ? - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2005

D'un système linguistique à l'autre : trahir pour traduire ?

Résumé

Le français et l’espagnol, langues issues du latin, leur langue mère, sont communément appelées « langues romanes ». Au cours du Moyen-Âge, ces deux langues ont poursuivi leur construction : l’élaboration d’un système linguistique de représentation du monde. Et parce que leur vision du monde est différente, elles se sont parfois donné un système de représentation qui fait leur spécificité, et forgé ainsi leur originalité. C’est la conséquence de ces « bifurcations » qui se laisse observer dans ce que les grammaires françaises de la langue espagnole moderne appellent « problèmes de traduction ». À partir d’un texte de départ en français, Madame Bovary, j’observe comment le traducteur hispanophone confronté à deux vocables de la langue française, y et en, trahit nécessairement cette syntaxe qui lui est inconnue, pour livrer le texte d’arrivée en espagnol. Puis, à partir d’un texte de départ en espagnol, Bajarse al moro, j’ai observé comment le traducteur francophone confronté au système espagnol des déictiques (aquí, ahí, allí ; este, ese, aquel...), trahit lui aussi, nécessairement, cette vision trimorphe de l’existence qui lui est inconnue, pour livrer le texte d’arrivée en français. La réflexion linguistique sur la pratique de la traduction, lorsqu’elle puise dans l’histoire des langues, dans la façon dont elles se forgent leur système de représentation, établit très clairement que chaque langue propose un certain découpage de l’univers expérientiel, que la langue ne peut tout dire, et bien au contraire qu’elle ne retient que certains traits de l’expérience. Cette « sélection » expliquant l’impuissance de la langue à tout dire forge en même temps son identité et constitue à chaque fois une Weltanschauung. De ces observations, j’en arrive à la conclusion que chaque langue possédant son propre système mental de représentation du monde, y compris les langues sœurs, la prudence s’impose lorsqu’on associe un peu trop systématiquement la notion de traduction à celle de trahison. Cet exercice qui consiste à traduire les mots amène tout traducteur à trahir un système linguistique pour l’autre, à trahir une vision du monde pour l’autre. Mais cette trahison-là n’est pas toujours un choix délibéré de trahir, c’est parfois aussi une contrainte imposée par la langue.
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  • HAL Id : halshs-01614450 , version 1

Citer

Gabrielle Le Tallec Lloret. D'un système linguistique à l'autre : trahir pour traduire ?. La trahison  La traición, Actes du Colloque d’ALMOREAL, p. 293-307, 2005. ⟨halshs-01614450⟩
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