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Article dans une revue La Revue Année : 2016

Tourisme sexuel et littérature

Résumé

L'exposition consacrée à « Biskra, reine des oasis » * est pour François Pouillon l'occasion d'évoquer le souvenir de « deux jeunes princesses » locales qui ont eu, au temps de l'Algérie coloniale, d'illustres admirateurs. Tourisme sexuel et littérature D ans les der nières années du xix e siècle, entre 1893 et 1895 pré-cisément, on pouvait rencontrer dans Biskra deux charmantes jeunes filles qui allaient devenir des sortes de gloires littéraires. Meryem et Mbarka déambulaient ensemble comme pour se promener, mais surtout pour se mon-trer, dans des vêtements soigneusement contrastés, au point qu'on pourrait penser qu'elles avaient été costumées par quelque syndicat d'initiative. Et c'est un fait qu'elles ont marqué la chronique, moins à travers des peintres qui les auraient engagées comme modèles, mais grâce à des écrivains ainsi que des photographes qui en ont fixé durablement la silhouette, arrêts sur image d'une carrière nécessairement brève. Sur ces fillettes, on dispose d'abord du témoignage clinique d'un médecin épidé-miologique, le docteur Laurent, passé par là dans le cadre d'une recherche sur « la prostituée arabe » : il évoque « deux filles de la tribu des Oulad-Naïl, très connues à Biskra où elles font la danse du ventre, le soir dans les cafés. La première, Embarcah (sic), a de dix-huit à vingt ans. Elle est vêtue d'une robe de brocart mauve. La ceinture, les bracelets et le diadème sont en argent massif. Les colliers et les mentonnières sont en or. La seconde, Meryem, a de quatorze à seize ans. Sa robe est en soie bleue, ses voiles en mousseline rose tramée d'or et d'argent. Son diadème, ses bracelets et ses bagues sont également en argent, ses colliers en or. Au dire d'un cafetier voisin, chacune de ces deux filles porte sur elle environ pour huit à dix mille francs de bijoux. » À deux pas des hôtels où les touristes venaient se presser l'hiver, entre le marché et la statue du cardinal Lavigerie, se trouvait une ruelle facilement reconnaissable à ses petits balcons en bois sous lesquels stationnaient, fait rare en pays d'islam, des femmes s'offrant aux regards de tous : c'était la « rue des Oulad Naïl ». On désignait sous cette appellation, non sans simplification s'agissant d'une grande tribu saharienne, les reliques disloquées de groupes nomades rejetés vers les villes du Sud par quelque catastrophique sécheresse. Dans les somptueux atours, qui pouvaient avoir été les costumes de leurs mariages, elles gagnaient leur vie en se produisant alors comme danseuses dans quelques établissements populaires « typiques » fréquentés par les notables en résidence et les militaires des garnisons à l'entour, par les touristes aussi qui venaient là en goguette. Avec tous ceux-là, les choses pouvaient aller plus loin.
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  • HAL Id : halshs-01510375 , version 1

Citer

François Pouillon. Tourisme sexuel et littérature. La Revue, 2016, 68, pp.126-128. ⟨halshs-01510375⟩
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Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
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