Les marchands ferronniers et casseurs d’acier à Nantes au XVIIe siècle
Résumé
L’histoire de la métallurgie, dans l’Ouest de la France, est particulièrement bien connue sous l’Ancien Régime, soit en amont, en ce qui concerne la production des forges, soit en aval, au regard des grands axes maritimes empruntés par les métaux, au départ ou à l’arrivée des ports du Ponant, particulièrement celui de Nantes. En revanche, entre ces deux étapes, la question de la commercialisation des fers, processus fondamental de la valorisation des marchandises, n’est que rarement évoquée, plus singulièrement encore au XVIIe siècle. Tout au plus est-il fait allusion à la présence d’intermédiaires, signalés comme marchands-fabricants dans la région du Maine ou comme commissionnaires à Nantes. Le déficit des études sur ce chaînon manquant est criant en regard de l’enrichissement extrême de l’environnement quotidien en instruments en fer dès le milieu du XVIIe siècle. En effet, dans les villes, de grandes quantités de fer et d’acier sont consommées et mises en œuvre quotidiennement dans les ateliers et les boutiques des artisans, principalement des maréchaux, des forgerons, des taillandiers, des cloutiers et des serruriers. Aux côtés de ces ouvriers du métal, on observe la présence, à Nantes, et ce, dès le XVe siècle, de casseurs d’acier, en réalité des marchands de fer, acteurs indispensables d’un commerce actif, de proximité ou de transit. Leur profession connaît, à Nantes, un véritable âge d’or au XVIIe siècle.
L’article retrace, tout d’abord, l’histoire et l’organisation de ce métier depuis l’apparition de ses premiers représentants jusqu’au règne de Louis XIV, en esquissant les contours de cette communauté dans la société marchande nantaise, son implantation, ainsi que la fortune de ses représentants et leurs relations avec le pouvoir municipal. Ce cadre mis en place, l’article analyse l’exercice du métier à Nantes au XVIIe siècle à partir notamment de la découverte du livre de compte du marchand casseur d’acier Jean Bigeaud (1617-1684). Cette source de première main est complétée par l’apport d’une documentation inédite de plus de quatre cent pièces d’archives personnelles et commerciales lui appartenant (marchés, lettres de change, correspondances, requêtes au consulat de Nantes, testament, etc.).