La trahison de l'archive, Antonin Artaud
Résumé
Peut-on archiver une expérience d'écriture présumée corporelle, théâtrale, performative, bref, vitale ? Telle est la question que posent les écrits d'Antonin Artaud, et singulièrement ses cahiers de brouillon dont la publication posthume souleva bien des querelles éditoriales, jalonnées de procès et d'interdictions diverses. Ces textes qu'Artaud laissa derrière lui, en un geste dont il assuma l'analité, ces petits cahiers d'écoliers noircis à l'asile psychiatrique de Rodez puis à Ivry jusqu'à la fin de sa vie, constituent-ils à proprement parler l'archive de son oeuvre ? L'archive, si le mot existait, serait pour lui ce qui s'est détaché du corps vivant et qui a chu, le déchet rejeté qui revient du dehors pour me persécuter : goules et lémures, corpuscules infectés. L'idée même de création, Artaud l'a toujours honnie ; elle relève du Dieu des chrétiens, ce faux démiurge qui prétend m'avoir conçu et mis au monde, alors qu'il m'a laissé tomber, jeté comme être-étron : un déchet. Ni création ni archive, donc, mais la lutte. Non pas en inventant un corps sans déchet, un corps « pur », selon ce contresens qu'on fait parfois à propos d'Artaud, mais en surgissant à nouveau, avant qu'on ne me crée, refaisant « à l'envers », comme il dit, le chemin qui précède la création.
Domaines
Littératures
Origine :
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