, action est soulignée par la nécessité de l'associer au signe de ce quelque chose que le travail de l'esprit politique peut concevoir et réaliser, alors qu'il n'avait pas été nommé jusqu'ici. L'exemple le plus significatif est celui énoncé, sous la forme d'un syllogisme, au début de Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? que tout le monde connaît : « 1° Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? Tout ; 2° Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien ; 3° Que demande-t-il ? A y devenir quelque chose » 46 . C'est bien par la médiation logique, donc naturelle, d'un acte de demande, expression d'un verbe d'action, que le Tiers-Etat incarne en 1789 quelque chose d'innommable antérieurement, et pourtant existant avant toute chose, « une nation libre

. Cependant, Renvoyant la langue vers le pur « artifice lingual », il prend ses distances avec le sensualisme de Condillac et son corollaire, la théorie de l'action. Certes le philosophe continue à analyser les idées, mais seulement pour savoir étudier ce qui est, et non ce qui doit être. Il se met alors à distance des signes de la langue qui, perdant leur caractère nécessaire, l'embarrasse plus qu'autre chose. Il postule désormais, au-delà de Condillac, l'existence de la réalité d'un monde extérieur tant à l'activité linguale qu'à l'activité intellectuelle. A distance du sensualisme, il s'étonne donc d'avoir cru, dès 1774, que l'on pouvait concevoir les sens comme « des machines à répétition de ce qui se passe à l'extérieur », sans en venir à « la réalité du monde extérieur ». Il s'interroge également sur le fait d'avoir affirmer à la même époque que « toutes nos connaissances explicatives sont le fruit des incursions des sens les uns sur les autres », et de ne pas en avoir conclu qu'il fallait alors se demander « Qu'est-ce que l'explication que je cherche ? ». Il en revient alors à une « théorie des questions » en s'efforçant par « la guerre aux mots » qui sont au fondement du « monde fantasmatique » des systèmes métaphysiques », d'écarter les « questions purement linguales », qui suscitent des « rapports nominaux » : ces rapports participent d'un artifice purement lingual, c'est-à-dire du lien d'un signe lingual avec les autres signes de la réalité des choses et engendrent donc « des combinaisons infinies, purement linguales, nulles pour la connaissance », qui se substituent aux « rapports réels ». La critique que Sieyès mène de façon vigoureuse contre l'internalisme des métaphysiciens depuis Locke, du fait de leur tendance à mettre unilatéralement l'accent sur la volonté et l', Sieyès, dans ses derniers manuscrits philosophiques rédigés pendant l'Empire 47 , substitue « une théorie des questions » à l'élaboration antérieure d' « une théorie du langage » qui avait permis de penser, concevoir et réaliser l'articulation de l'ordre naturel et de l'ordre social dans la complémentarité du langage des signes naturels et du langage des signes artificiels

S. Oeuvres-de, , p.1, 1989.

, Archives Nationales, pp.284-289

, Une philosophie en exil », dans Écriture de l'exil, a. Giovannoni dir, 2006.