Latinos des Apennins aux Andes : un ethos de discrimination
Résumé
Si à l’origine latino était le raccourci de l’adjectif qualificatif « latino-américain », force est de constater que son utilisation actuelle transgresse les règles de grammaire les plus élémentaires pour désigner plus l’espèce d’appartenance d’une personne ou la personne appartenant à une espèce, que les particularités géographiques et culturelles de cette dernière.
Nombreuses sont les études en Italie et en Espagne qui quantifient et qualifient les nouvelles immigrations massives venant d’Amérique latine depuis les années 1999. Ces études ont pour corollaire d’être perméables au concept états-unien de latino sans pour autant prendre la mesure du bouleversement sémantique enregistré. Il en va de même en France où, soit par un effet de mode, soit par celui de l’intégration dans nos représentations sociales de l’image de latino véhiculée par la télévision, nous assistons à l’utilisation de plus en plus fréquente de ce concept. Ainsi, aux grès des flux migratoires, le concept de latino devenu substantif conditionne les représentations sociales des pays européens de tradition latine pour finir par se cristalliser dans un ethos de discrimination positive ou négative qui se manifeste par la construction d’une image du latino tantôt exotique ou condescendante, tantôt nuisible ou dévalorisante.
Cet ethos de discrimination a en plus une conséquence inattendue. Dans ces pays européens de tradition latine, quelle identité prennent les accueillants en désignant les immigrés venus des pays d’Amérique latine par ce substantif ? Tout en nommant l’autre je me nomme moi-même, voilà un principe d’individuation qui participe à la construction identitaire en donnant un contexte à la singularité subjective et la pluralité objectivée de l’individu. La mise en confrontation de ce principe et de l’ethos de discrimination ici présenté participe à une réelle recomposition identitaire des accueillants.