Entre “deux bouchées de silence” : esquisse d’une poétique à bouche fermée chez quelques poètes et compositeurs du XXe siècle (P. Celan, A. Emaz, P. Boulez, P. Dusapin)
Résumé
Le motif de la « bouche fermée » imprègne la poésie de la seconde moitié du XXe siècle, en particulier celle de
Paul Celan et celle d’Antoine Emaz. L’article propose de replacer le travail de ces deux poètes dans le sillage de la
technique musicale du chant à bouche fermée telle qu’elle a été exploitée par les compositeurs du XXe siècle, de
Debussy à Dusapin. En empruntant aux musiciens cette notion technique et en la faisant glisser vers la
métaphore du chant sans voix, sans souffle, les poètes proposent une réponse ambivalente à la difficile question
du lyrisme. Transcrire en un geste d’écrire l’épreuve de la « tourne du souffle » (Atemwende) met en effet en crise –
« exquise crise, fondamentale » – autant la métaphore de musique verbale que celle de l’inspiration, fondatrices du
lyrisme traditionnel. Cette crise est cependant la condition de possibilité d’un nouveau lyrisme, plus critique. Elle
permet que s’invente une voie étroite entre parole et silence, un lieu serré (strette) et éminemment précaire où
naît cette « parole de corde » (Emaz) caractéristique à la fois d’une certaine poésie contemporaine et du
traitement singulier des voix chez leurs contemporains compositeurs.
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