La Chine des années 1930 sous le prisme des militaires français - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2014

La Chine des années 1930 sous le prisme des militaires français

Fleur Chabaille

Résumé

La Chine moderne au temps des concessions étrangères offre un cadre particulièrement propice à l’étude des circulations, des rencontres et des interactions entre différents milieux culturels. Octroyées suite à la signature des traités de Nankin (1842) et de Tianjin (définitivement ratifié en 1860), les concessions deviennent de véritables enclaves louées et administrées par quelques puissances étrangères. Elles constituent des lieux de passage mais aussi de contacts et de cohabitations entre de nombreuses nationalités. Derrière l’entité territoriale atypique qu’il sert à désigner, le concept de concession renferme une forme de jonction voire de compromis entre l’inépuisable soif d’aventure coloniale et l’impérieuse nécessité de sa limitation et de son adaptation vis-à-vis du pays qu’elle occupe. De ce point de vue, les trajectoires des militaires français nommés en Chine, à travers lesquelles ce tiraillement est sans doute le plus palpable, sont tout à fait révélatrices de la conciliation entre deux penchants a priori contradictoires. Partant de l’expérience des troupes coloniales françaises affectées en Chine dans les années 1930, cette intervention vise à interroger les conditions de voyages et de séjours qu’implique l’expatriation sous l’angle du conflit apparent entre les possibilités de médiation interculturelle et les exigences d’une cohabitation nationale. Tout semble évoquer le dépaysement au voyageur fraîchement débarqué dans une Chine à l’altérité si prégnante qu’il tente d’appréhender et de décrypter à partir des représentations de son propre milieu culturel. Il se trouve cependant confronté dans cet élan à de nombreuses limites (linguistiques, spatiales, culturelles) qui s'incarnent dans la (re)constitution d'une communauté régie par l'entre-soi et la différenciation vis-à-vis des autres nationalités présentes dans le pays. Face à l’univers cosmopolite « imposé » des concessions, les expatriés militaires français se réunissent voire se réfugient au sein d’une sociabilité destinée à préserver et perpétuer leur lien communautaire. Dans ce contexte, le voyageur doit conjuguer son désir d’explorer la « vraie » Chine avec son attachement à retrouver des espaces familiers sous la tutelle exclusive de sa communauté d’accueil. Ainsi se matérialise une forme de médiation encadrée que révèle l’analyse croisée de sources écrites et visuelles datant des années 1930. Parmi elles, la revue L’Ancre de Chine, publication bimensuelle de liaison entre les militaires français de Chine parue de mars 1934 à Noël 1936, constitue une mine d’informations sur la vie des militaires français expatriés. Rappelant les fondements de leur cohésion nationale tout en les exhortant à la découverte de l’Empire du milieu, elle reflète le rôle médiateur joué par la communauté militaire dans sa tentative d’acclimater le voyageur à son nouvel environnement tout en le maintenant dans le cadre d’un particularisme identitaire accentué et de frontières culturelles stéréotypées. Principalement lue par les militaires français de Chine, la revue invite à l’évasion par le biais de récits pittoresques et de descriptions détaillées de régions chinoises plus ou moins lointaines. Comme si ses rédacteurs, anticipant le fait que finalement peu d'entre eux seront amenés à arpenter le pays en dehors des circuits habituels et des navigations entre les grandes villes côtières, se proposaient de pallier ce manque d’exotisme et d’aventure. L’ambivalence d’un dépaysement rendu monotone se trouve également illustrée par les photographies et les films d’André Bontemps (1888-1969), officier de justice militaire adjoint ayant exercé à Tianjin de 1931 à 1935. L’ensemble du fonds visuel, qui se distingue par la qualité et la rareté de ses prises de vue, permet de retracer l’expérience de voyages et de séjours d’une famille française expatriée en Chine. Dépeignant un quotidien où les cloisonnements sociaux limitent et conditionnent le rapport à l’Autre, le fonds souligne une oscillation permanente entre des tentatives de médiation interculturelle et les restrictions induites par le repli communautaire.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-01259703 , version 1 (20-01-2016)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01259703 , version 1

Citer

Fleur Chabaille. La Chine des années 1930 sous le prisme des militaires français : Récits de voyages et de séjours entre médiation interculturelle et repli communautaire. Colloque international : "Médiateurs et instances de médiation dans l’histoire du voyage", Centre de recherche interdisciplinaire en histoire, histoire de l’art et musicologie de Limoges, Dec 2014, Limoges, France. ⟨halshs-01259703⟩
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