L'Opsis dans La Poétique d'Aristote - HAL Accéder directement au contenu
Article dans une revue Literaturwissenschaftliches Jahrbuch Année : 2013

L'Opsis dans La Poétique d'Aristote

Résumé

La place de l’opsis dans la Poétique révèle l’originalité du projet aristotélicien. Le philosophe fait de ce concept une partie capitale de la tragédie pour l’exclure de son art poétique afin de isoler son objet d’étude, la tragédie en tant que poème dramatique. Il sépare ainsi représentation et texte théâtral. Une telle distinction résulte avant tout d’une démarche philosophique qui identifie les objets, les définit et les classe pour construire une vision encyclopédique du monde. Mais elle est grandement novatrice : détacher la tragédie du cadre de la mise en scène lors des concours, c’est, à une époque où le théâtre est principalement un genre spectaculaire, constituer le genre théâtral en genre littéraire. Les représentations théâtrales occupent en effet encore le devant de la scène au siècle d’Aristote. La chute de la démocratie athénienne ne s’accompagne pas d’un déclin du théâtre, bien au contraire: les concours se multiplient, des théâtres se construisent, en pierre, et des troupes d’acteurs apparaissent, la création dramatique reste florissante. Ce qui est nouveau, avec la professionnalisation des acteurs, c’est la reprise à la scène de grandes œuvres du Ve siècle. Le fait que des pièces soient rejouées bien après leur création, témoigne d’une autonomie certaine du texte dramatique par rapport à ses conditions de réalisation scénique. Voilà ce qu’Aristote rend manifeste en produisant une théorie sur la tragédie sans étudier ses caractéristiques spectaculaires. Sans doute convient-il de situer son analyse dans le contexte historique, c’est-à-dire au début de l’hégémonie macédonienne sur la Grèce. C’est l’époque où Alexandre le Grand a eu pour dessein politique de détacher d’Athènes le patrimoine qui avait fait sa grandeur et sa splendeur : il s’agissait pour le jeune roi de se l’approprier pour s’en parer. Aristote, précepteur et ami d’Alexandre, souvent considéré comme un agent de la propagande macédonienne, y a contribué en quelque sorte, consciemment ou non, en séparant les textes dramatiques de leur situation d’énonciation initiale, à savoir des représentations données dans le cadre des fêtes religieuses de la cité, pour les considérer de façon autonome comme des œuvres littéraires dont les qualités peuvent être appréciées universellement. Mais le philosophe se fait aussi l’écho d’une pratique qui émerge, et à laquelle il fait allusion dans la Poétique comme dans la Rhétorique : la lecture de pièces de théâtre. Aristote fait bien référence à l’acte de lecture, même si à son époque, il s’agit encore d’une lecture orale ou oralisée : pour lui, c’est le véhicule le plus sûr de la parfaite compréhension et de la connaissance d’un texte dramatique. Aristote a eu ainsi conscience que l’écriture, c’est-à-dire la lecture, sort l’œuvre dramatique de l’éphémère du théâtre pour lui assurer une diffusion plus large. Qu’il ait consacré la Poétique à décrire l’art du poète dramatique a sans doute eu des conséquences décisives sur la façon dont ont été perçues les œuvres théâtrales dès l’Antiquité : très tôt, elles ont été considérées non seulement comme des pièces à voir jouer sur scène, mais elles ont aussi été conçues comme des textes à lire.
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Citer

Eve-Marie Rollinat-Levasseur. L'Opsis dans La Poétique d'Aristote. Literaturwissenschaftliches Jahrbuch, 2013, 54, pp.P. 31-51. ⟨halshs-01233425⟩
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Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
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