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Pré-Publication, Document De Travail Année : 2015

Po Klong Garai temple in Vietnam

Le temple de Po Klong Garai au Vietnam

Anne-Valérie Schweyer

Résumé

Le temple de Po Klong Garai au Vietnam Le dossier épigraphique Par Anne-­‐Valérie SCHWEYER Chercheure au CASE-­‐CNRS Le temple de Po Klong Garai se trouve dans la province de Ninh Thuận dans le sud du Vietnam. Installé au sommet d'une colline, il est visible de loin et appartient au paysage local. Aujourd'hui, il est le siège de cérémonies qui perpétuent la tradition came. Les montants de la porte d'entrée du temple portent de longues inscriptions qui ont été partiellement lues par des philologues français à la fin du XIXe siècle (Bergaigne 1888, Aymonier 1891). Cet article propose une lecture complète de ces inscriptions, leur translittération, leur traduction et des éléments de compréhension dans leur contexte historique. Nous verrons que ces textes développent considérablement le vocabulaire géographique de l'ancien Campā, avec, d'un côté, les termes qui concernent l'occupation et la mise en valeur du territoire (villages, lieux de culte à des divinités, routes, canaux, rizières, vergers et jardins) et, de l'autre côté, la nature omniprésente (fleuves, forêt, dune, mont, étang). Ils sont un témoignage vivant, un cliché qui donne une idée de la richesse locale à une époque précise. Le contenu de ces inscriptions est très inhabituel dans le corpus des inscriptions du Campā par ses descriptions cadastrales du territoire. L'organisation territoriale des donations à Jaya Siṅhavarmmaliṅgeśvara permet une meilleure connaissance des relations économiques et sociales sous le roi Jaya Siṅhavarman, vers la fin du XIIIe siècle. 1. Les inscriptions du temple Les inscriptions en cam se développent sur les deux piédroits de la porte extérieure de la tour principale, ainsi que sur les deux piédroits de la porte intérieure. Elles ont été classifiées par Coedès (1923 1) dans son Inventaire des inscriptions du Campa de la manière suivante :-­‐ C.8. les inscriptions du piédroit Sud de la porte extérieure se développent sur trois faces ; C.8 face A, au centre du piédroit, porte deux lignes d'imprécations suivies de 40 lignes de texte ; C.8 face B, à l'extérieur du piédroit, porte 42 lignes de texte ; C.8 face C, à l'intérieur du piédroit, porte 41 lignes de texte.-­‐ C.9. Les inscriptions du piédroit Nord de la porte extérieure se développent également sur trois faces ;C.9 face A, au centre du piédroit, porte 42 lignes du texte ; C.9 face B, à l'extérieur du piédroit, porte 43 lignes de texte ; C.9 face C, à l'intérieur du piédroit, porte de 41 lignes de texte.-­‐ C.10. Le piédroit Sud de la porte intérieure présente une inscription de 39 lignes de cam.-­‐ C.11. le piédroit Nord de la porte intérieure présente une inscription de 12 lignes de cam. 1 Dans cet inventaire, chaque inscription reçoit un numéro unique C. + un nombre (C.=Campā). 2 2. Le roi Jaya Siṅhavarman Ce très long texte a été inscrit sur les ordres du roi cam Jaya Siṅhavarman, pendant son règne. Il détaille les donations faites par le roi à la divinité principale du temple, le dieu Jaya Siṅhavarmmaliṅgeśvara, apparemment un liṅga du dieu Śiva. Il ne porte aucune date précise. Le roi Jaya Siṅhavarman est également reconnu par son nom princier, Harijit, et il est le fils aîné du roi Indravarman et de la reine Gaurendralakṣmī. Apparemment, il serait originaire d'un lieu appelé humā virān manrauṅ (« des terres du Nord au Sud »), lieu mentionné également en C.180 A, l. 1 à Po Nagar de Nha Trang. Mais la formulation trop vaste ne permet aucune conclusion. Le roi est connu par d'autres inscriptions :-­‐ Deux inscriptions (C.32 et C.180) se trouvent sur le site de Po Nagar à Nha Trang. C.32 décrit des donations faites à la grande déesse du lieu, Bhagavatī Kauṭhāreśvarī (Aymonier 1891 : 60-­‐62). Même si l'inscription n'a pas été pleinement déchiffrée, on peut y lire des donations en terres, en objets rituels et même en animal (un éléphant mâle) qui unissent les noms de Jaya Siṅhavarman et de son père, Jaya Indravarman. C.180 mentionne la donation d'un dais par le prince Harjit, fils du roi Indravarman, à la même déesse en 1200 śaka, soit 1278/79 EC (ECIC III 2008-­‐9 : 464). Il est alors qualifié de « demi-­‐roi » (arddharāja), probablement associé au pouvoir royal par son père.-­‐ Une inscription (C.116) provient des hauts plateaux, sur le site de Yang Prong « le grand génie » (Parmentier 1909 : 557-­‐559), près du village de Tali, dans la province de Đắk Lắk (Maître 1906 : 342-­‐4 et fig. 4). D'après une lecture inédite (Finot 1904 : 534), le temple aurait été érigé par le prince Harijit, alors qu'il était retiré avec ses armées pour échapper aux invasions mongoles en 1283-­‐1284. Plus tard, en tant que roi, Jaya Siṅhavarman va offrir un mukhaliṅga à la divinité, appelée Jaya Siṅhavarmmaliṅgeśvara. A cette époque le roi cam Indravarman règne et il associe son fils, le prince Harijit, aux actions contre les Mongols. Ce mukhaliṅga était encore en place à la fin du XIXe siècle, où il a été vu par Odend'hal (BEFEO 1904 : 534 et Parmentier 1909 : 558 fig. 128). L'inscription de Po Sah (C.22) dans l'ancien Pāṇḍuraṅga, l'actuelle province de Ninh Thuận, demeure encore inédite. D'après une lecture d'Aymonier (1891 :62-­‐65 et 1911 : 5-­‐11), le prince dédicataire de la stèle est le fils du roi Jaya Siṅhavarman et d'une reine « de Java » ; il est né en 1196 śaka, soit 1274/75 EC. Il est associé au pouvoir royal par son père en 1222 śaka, soit 1300/1301 EC. La dernière date mentionnée dans l'inscription, 1228 śaka, soit 1306/1307 EC, se trouve dans un contexte trop perturbé pour être exploitable. Il faut cependant noter que cette dernière date correspond à la date connue de la mort du roi Jaya Siṅhavarman, son père. Le roi Jaya Siṅhavarman a joué un rôle essentiel dans la lutte contre les Mongols dans le dernier quart du XIIIe siècle. Selon l'étude de Vũ Hồng Liên (SOAS PhD 2009), il a dû faire face aux attaques de l'empereur Kublai Khan (1260-­‐1294 EC), lors de ses agressions répétées pour envahir le Đại Việt et le Campā. Il semble avoir été à la fois un grand guerrier et un bon diplomate ; d'une part, parce qu'il a pu limiter la destruction de son pays en évitant l'affrontement avec les troupes mongoles en 1283-­‐1284, et d'autre part, en scellant ses bonnes relations avec ses partenaires politiques et commerciaux par des mariages. C'est ainsi qu'il a épousé une princesse « de Java » dont il aurait eu un fils en 1274/75 EC. C'est aussi pour célébrer le retour de bonnes relations avec le Đại Việt qu'il épouse en 1306 la princesse Trần Huyền
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Origine : Accord explicite pour ce dépôt
Commentaire : Ce dossier est une publication d'inscriptions inédites du pays cam, au Vietnam. Leur originalité en fait un document historique unique.
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Dates et versions

halshs-01172104 , version 1 (06-07-2015)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01172104 , version 1

Citer

Anne-Valérie Schweyer. Le temple de Po Klong Garai au Vietnam : Le dossier épigraphique. 2015. ⟨halshs-01172104⟩
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