Trois procès à cadavre devant le Conseil souverain du Québec (1687-1708) Un exemple d'application de l'ordonnance de 1670 dans les colonies - HAL Accéder directement au contenu
Chapitre d'ouvrage Année : 2000

Trois procès à cadavre devant le Conseil souverain du Québec (1687-1708) Un exemple d'application de l'ordonnance de 1670 dans les colonies

Résumé

«Les lois sont furieuses en Europe, contre ceux qui se tuent eux-mêmes. On les fait mourir, pour ainsi dire, une seconde fois ; ils sont traînés indignement par les rues, on les note d'infamie, on confisque leurs biens» 1. La répression pénale du suicide et davantage encore les procès à cadavre ont été critiqués dès la fin de l'Ancien Régime par les tenants des Lumières et on y puisera plus tard, comme dans les procès aux animaux, des arguments pour taxer l'ancien droit pénal, en bloc et sans nuances, de cruel, d'irrationnel et d'inhumain 2. Mais au-delà de l'aspect anecdotique de ce qu'on a parfois qualifié, avec un certain dédain, de «simples curiosités macabres», l'étude des procès à cadavre se révèle à plus d'un titre riche d'enseignements. Ils touchent d'abord aux rapports anthropologiques étroits entre le crime et le sacré. Comme le souligne J.-M. Carbasse, la peine présente souvent un aspect sacrificiel en raison du caractère religieux de certains délits et crimes qui, en heurtant la bienveillance de Dieu, lèsent la communauté des hommes 3. Dans ces circonstances, le procès en forme fait au cadavre d'un mort procède du rite purificateur nécessaire à effacer la souillure d'un crime particulièrement atroce. Ces causes ne sont pas pour autant prétexte à de simples parodies de justice. L'ordonnance criminelle de 1670 prescrit au contraire des règles de procédure rigoureuses : elles doivent garantir les droits de la défense et imposent, comme pour les vivants, que toute sentence portant peine corporelle soit confirmée par une cour souveraine. On ne condamne pas à la légère un mort, d'autant plus que toute condamnation entraîne des sanctions spirituelles, la privation d'une sépulture ecclésiastique, mais aussi une peine patrimoniale qui frappe l'ensemble de la famille du condamné. En étudiant la question des procès aux cadavres à travers la pratique du Conseil souverain du Québec, on mesurera en outre la réception et l'application concrète de * Cette étude a pu être réalisée grâce à une mission de recherche effectuée au Québec dans le cadre d'un projet du G.I.P. «Mission de recherche Droit et Justice» dirigé par le professeur B. Durand portant sur «La justice et le droit : instruments d'une stratégie coloniale». 1 MONTESQUIEU, Lettres persanes, éd. A. ADAM, Genève, 1965, pp. 196-198, lettre LXXVI, «Usbek à son ami Ibben, à Smirne». 2 On verra à ce sujet les conclusions nuancées formulées par A. LAINGUI, Histoire du droit pénal, 2 e éd., Paris, 1985 (Que sais-je ?), surtout en ce qui concerne la supposée humanité de la procédure anglaise eu égard aux lois continentales. 3 J.-M. CARBASSE, Introduction historique au droit pénal, Paris, 1990 (Collection droit fondamental), pp. 13-14.

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Citer

Serge Dauchy. Trois procès à cadavre devant le Conseil souverain du Québec (1687-1708) Un exemple d'application de l'ordonnance de 1670 dans les colonies. Serge Dauchy; Véronique Demars-Sion. Juges et criminels, l'Espace Juridique, pp.37-49, 2000, 2-908510-29-4. ⟨halshs-01133366⟩
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Dernière date de mise à jour le 07/04/2024
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