From riches to garbage : référents atypiques et problèmes de catégorisation sémantique en anglais
Résumé
Les travaux sur les noms, dans le domaine de la sémantique, semblent se
concentrer sur des zones limitées du lexique. Qu’il s’agisse des études sur les champs
sémantiques et les structures lexicales ou des travaux portant sur des phénomènes tels
que l’opposition massif/comptable, les exemples choisis comme base de réflexion sont
dans la grande majorité des cas les traditionnels lit, chaise, oiseau, chien, animal, fils,
père, pied, queue, pomme, banane, fruit, pain, riz, vin, courage et beauté qu'on
rencontrait déjà dans les dialogues platoniciens. Le choix de travailler sur ces noms
sera justifié par leur "typicité". Qu'ils soient effectivement typiques ou non - et l'on
peut du moins soupçonner que leur prétendue typicité tient plus qu'autre chose à
l'habitude qu'on a de les entendre analyser -, la conséquence de ce choix est que
certaines zones du lexique nominal restent systématiquement dans l’ombre. C'est le
cas, notamment, de noms tels que lumière, vent, brouillard, richesse, ville,
habillement, paysage, architecture et détritus : ces mots ont en commun, outre leur
absence régulière dans les ouvrages de linguistique, d'avoir pour référents privilégiés
des réalités ontologiquement plus complexes et traditionnellement moins étudiées par
la logique et la philosophie que celles auxquelles réfèrent les noms chaise, animal et
banane. Mais ces noms sous-étudiés n'en sont pas moins d'usage très courant. Leur
étude, parce qu'elle abordera des zones encore très peu défrichées du langage, est donc
potentiellement riche de découvertes pour le spécialiste de sémantique nominale.
Cet article se propose de considérer les problèmes conceptuels soulevés par un
de ces noms généralement absents de la pensée linguistique : il s'agit du nom garbage,
appartenant au lexique de l'anglais contemporain, et qu'on peut traduire en français par
"détritus". Ce nom n'a fait à ma connaissance l'objet d'aucune étude spécifique, ni dans
le cadre d'études lexicologiques - analyse du champ lexical des détritus, recherches
comparées, dans la lignée des études de BENVENISTE sur le vocabulaire des institutions
indo-européennes, ou classification des noms - ni dans le cadre d'études de sémantique
nominale plus tournées vers la syntaxe, et consacrées à la différence entre noms
massifs et noms comptables, à l'emploi des articles, ou aux problèmes de
quantification.
Deux ouvrages situés hors du champ de la linguistique, tous deux issus du
domaine américain, ont servi de base de réflexion spécifique à cette étude consacrée
aux déchets et aux détritus. D'une part, un livre intitulé Rubbish, the archaeology of
garbage, publié par William RATHJE et Cullen MURPHY en 1992, et consacré à l'archéologie des déchets urbains contemporains ; d'autre part le roman Underworld de
Don DELILLO - dont sont tirés les exemples analysés dans le corps de cet article - dans
lequel on peut voir une tentative de mettre au jour les mondes et les univers souterrains
de l'Amérique, et dont l'un des personnages centraux s'occupe du retraitement des
déchets urbains.
Domaines
Linguistique
Origine :
Accord explicite pour ce dépôt
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