" The Invention of Solitude de Paul Auster ou l'acquisition du nom propre "
Résumé
En 1982, Paul Auster abandonne définitivement la poésie et opte pour la prose : The Invention of Solitude, qui paraît discrètement dans une petite maison d'édition est un étrange volume, à la fois essai biographique (Auster y parle de son père décédé récemment) et autobiographique, réflexion philosophique et journal intime. Cet article se propose d'examiner la façon dont Auster se présente dans ce petit livre qui, véritable ouverture pour la fiction à venir, engrange éléments fondateurs et situations séminales auxquels le reste de l'œuvre ne cessera de faire référence. Il a été souvent souligné par la critique qu'en se choisissant comme sujet d'écriture, Auster lance, dans The Invention of Solitude, une quête de l'identité qui le conduit à une auto-définition ; ce sont les thèmes de la filiation difficile, de la dette envers le père et du nom que l'on hérite qui ont souvent été pointés du doigt par Auster lui-même puis exploités par la critique. Ce que cette étude tente de montrer, pourtant, c'est le caractère trompeur de cette analyse psychanalytique que le texte, certes, inclut, mais qu'il dépasse également. L'identité que Paul Auster acquiert dans ce live qui fonde sa nouvelle écriture est finalement moins héritée du père mort qu'il s'agirait de "tuer" dans un essai largement autobiographique, que véritablement postulée par Auster lui-même : créant une enveloppe aux contours flous et incertains, Auster ne se reconnaît pas en tant que sujet, il s'invente littéralement, se donne naissance à lui-même et s'attribue, a posteriori, le nom de "Paul Auster" que les romans allaient bientôt reprendre à leur compte pour le multiplier. En ce sens, The Invention of Solitude est moins l'apparition d'une filiation difficile que l'entrée dans la pseudonymie qui allait permettre le passage à la fiction : c'est une œuvre matrice dans laquelle se fabrique un sujet prototype, singulier et universel, doté d'un léger pseudonyme, dont la fiction prouvera l'interchangeabilité et l'efficacité.