Savoir local : éloge d'un " informateur " - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2014

Savoir local : éloge d'un " informateur "

Dominique Casajus

Résumé

En 1992, Moussa Albaka et moi avons publié Poésies et chants touaregs de l'Ayr, collection de pièces en vers recueillies entre 1976 et 1979. Le livre reprenait dans une large mesure l'agencement typographique d'un grand classique des études berbères, Poésies touarègues (dialecte de l'Ahaggar). Nous marquions ainsi que ce maître ouvrage, dont les deux tomes avaient paru posthumément en 1925 et 1930 grâce aux soins d'André Basset, nous avait servi de modèle. Sur un point cependant, la présentation de notre livre différait de celle du modèle : il se donnait comme l'œuvre de deux auteurs alors que Poésies touarègues a paru sous le seul nom de Charles de Foucauld. Celui-ci n'y cachait pas sa dette à l'égard de son collaborateur arabo-touareg Ba-Hammou, mais il n'était pas alors d'usage que ceux qu'on appelait les informateurs indigènes figurassent sur la page de titre, trop heureux quand d'aventure leur nom apparaissait dans la tabula gratulatoria. Bien entendu, cette différence ne me crédite nullement de vertus dont un Bienheureux de l'Église romaine aurait été exempt. Sur la balance des vertus, le plateau penche de toute façon de son côté. S'il n'avait tenu qu'à lui, ses travaux scientifiques auraient paru sous le nom de l'interprète militaire Alexandre Motylinski, qui n'avait que très brièvement collaboré avec lui en 1906 avant d'être emporté par le typhus sur le chemin du retour : Foucauld voulait bien œuvrer pour la science et pour la mémoire de son ami, mais lui-même n'aspirait qu'au néant et à l'oubli. Sur ce point, il était inflexible. En 1908, René Basset - le père d'André - dut accepter de faire paraître sous le seul nom de Motylinski un petit opuscule, intitulé Grammaire, dialogues et dictionnaire touaregs, que l'ermite avait complètement remanié à partir de la très médiocre esquisse laissée par le défunt. Après la mort de Foucauld en 1916, René et André se tinrent pour déliés de leurs engagements, mais de là à mettre le nom d'un informateur sur la couverture d'un livre, il y avait un pas qu'ils ne se fussent pas avisés de franchir. Nous ne sommes pas plus vertueux aujourd'hui mais nous vivons dans des temps différents : c'est de ne pas franchir ce pas qui m'eût paru impensable. D'autant plus que Moussa Albaka aura été pour moi bien plus qu'un simple " informateur ". Qu'a-t-il été, qu'est-il encore pour moi ? C'est ce que cet article tente de dire.
Fichier principal
Vignette du fichier
texte-Casajus-Moussa-Albaka.pdf (158.5 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

halshs-00989327 , version 1 (04-10-2014)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00989327 , version 1

Citer

Dominique Casajus. Savoir local : éloge d'un " informateur ". Mohamed Almoubaker & François Pouillon. Pratiquer les sciences sociales au Maghreg. Textes pour Driss Mansouri, Fondation du roi Abdul Aziz, Casablanca, pp.27-38, 2014. ⟨halshs-00989327⟩
252 Consultations
165 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More