Splendeurs et misères du travail des diplomates - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Ouvrages Année : 2013

Splendeurs et misères du travail des diplomates

Résumé

Les représentations communes à propos des diplomates et de leur travail sont ambivalentes. Héritiers de fonctions et de prédécesseurs dont les noms ont marqué l'histoire nationale, ils travaillent aux quatre coins du monde dans des lieux souvent remarquables choisis pour illustrer la grandeur de la France. Aux yeux de l'opinion, les emplois diplomatiques sont prestigieux. Dans le même temps, aussi bien dans la littérature que de la part des hommes politiques, les diplomates sont désignés par des stéréotypes ou des jugements souvent péjoratifs. Certains vont même jusqu'à penser que la survivance du métier est un " anachronisme " dans un monde où les relations entre gouvernants s'appuient sur des relations directes et où, de plus, la multiplication des acteurs intervenant dans le champ des relations internationales tend, au moins en apparence, à marginaliser le rôle des diplomates. Parce que leur activité s'effectue essentiellement dans les coulisses, la scène étant réservée aux politiques, leur travail est recouvert d'un " voile d'ignorance " favorisant les stéréotypes qui se construisent sur la partie la plus visible de leur activité dont " les réceptions de l'ambassadeur " sont l'archétype. Fruit d'une enquête conduite par une équipe de chercheurs pendant plus de trois ans auprès des diplomates travaillant aussi bien au Quai d'Orsay qu'à l'étranger, cet ouvrage explore la manière dont ils sont recrutés, leurs carrières plus ou moins brillantes, la nature de leur engagement, les différents mondes du travail au sein desquels se déploient leur activité, leurs conditions de travail et de vie souvent plus difficiles qu'on ne le pense et parfois même dangereuses, la multiplicité et la diversité des tâches auxquels ils sont confrontés. La première partie de l'ouvrage décrit et analyse le travail des diplomates dans son contexte institutionnel et organisationnel alors que la seconde explore les grandes fonctions qui sont au cœur de leurs missions : représenter, informer, négocier, assister et protéger. De cet ensemble, on peut retenir quelques grands traits qui caractérisent leur travail en soulignant au préalable l'importance de la diversité des contextes dans lequel se déroule l'activité selon qu'il s'agit de l'administration centrale, d'ambassades de taille et d'importance diverses éventuellement situées dans des contextes plus ou moins hostiles ou encore de représentations permanentes auprès de grands organismes internationaux qui, elles-mêmes, sont tributaires du prestige ou de l'importance accordée à ces institutions. L'accès au métier, très sélectif, fait du Ministère des Affaires Étrangères un ministère de " matière grise ". L'Annuaire diplomatique rend compte de l'impressionnant cursus de ses agents mais les entretiens révèlent aussi que leur choix se fonde, pour la plupart d'entre eux, sur une véritable vocation, celle-ci trouvant à s'accomplir plus ou moins bien selon la carrière en grande partie façonnée par l'institution et les contraintes qu'elle impose à ses membres. L'enquête révèle en effet l'existence en son sein de filières relativement étanches dont l'accès est en grande partie déterminé par la nature des concours passés (ENA ou concours spécifiques au MAEE) qui elle-même oriente les premières affectations. Ces filières sont hiérarchisées selon une échelle de prestige qui tend à privilégier certaines fonctions au détriment d'autres (la négociation, l'analyse politique plutôt que la protection des nationaux ou la gestion...) et donc les postes où s'exercent en priorité ces fonctions (les représentations multilatérales auprès de l'UE ou de l'ONU ou les très grandes ambassades pour les plus prestigieuses), les postes consulaires pour les moins prisés. Si l'accès au métier passe par le filtre de concours exigeant une vaste culture générale ou spécialisée sur une ère géographique, son apprentissage est progressif, dépend des postes successifs occupés et de la qualité de l'encadrement hiérarchique. Les choix des postes et des mobilités constituent donc des enjeux de carrière majeurs pour lesquels certains disposent de plus d'atouts que d'autres. Les contraintes de la mobilité géographique, bien connue lors du choix de la carrière, peuvent enfin se révéler lourdes de conséquences sur la carrière du conjoint, l'éducation des enfants ou les conditions de vie dans des contextes parfois hostiles. La variété des tâches prises en charge par les diplomates est considérable et les activités sont pluri dimensionnelles impliquant un fort engagement cognitif et émotionnel. Le travail des diplomates porte le plus souvent sur des situations complexes, instables et qui " ne sont pas entièrement connaissables ". Les propositions d'action qu'ils sont amenés à faire doivent prendre en compte le fruit d'une histoire et l'anticipation d'un futur. Même si l'orthodoxie républicaine impute au pouvoir politique la seule responsabilité de la politique étrangère, il est manifeste que les diplomates ne se contentent pas d'en être les exécutants plus ou moins talentueux, ils participent directement à sa conception. Au-delà des fonctions variées qu'ils sont amenés à exercer et qui exigent des connaissances étendues et précises, le métier dans sa plénitude est aussi un art qui repose sur " un savoir faire curial " impliquant l'observation et la compréhension de l'autre tout en contrôlant et maîtrisant ses propres affects et attitudes. Le fonctionnement du ministère et l'organisation du travail des diplomates sont paradoxaux. Aussi bien à l'administration centrale que dans les ambassades (où les diplomates sont minoritaires) le pouvoir de la hiérarchie est prégnant, celui du directeur ou de l'ambassadeur fort. La division du travail s'efface cependant lorsque la mission à accomplir exige la mobilisation de tous. Les moins gradés dont le travail est soumis à l'aval de la hiérarchie ne manquent cependant pas d'autonomie et d'un certain pouvoir d'initiative alors que les ambassadeurs eux-mêmes, qui jouissent d'une autorité locale importante, sont soumis, surtout dans les postes les plus stratégiques, aux consignes envoyées par les bureaux et à un compte rendu régulier de leur activité via les télégrammes diplomatiques. Les mandats de négociation, les actions engagées sont toujours le fruit d'une élaboration et d'un travail collectif. Avant même que ces notions n'acquièrent une certaine notoriété en matière de management, le travail en réseau et sur missions sont des pratiques courantes et anciennes au sein du ministère. Les membres de ce ministère (petit par la taille de ses effectifs et la part qu'il représente dans le budget de l'État) ont conscience de leurs qualités qui rend parfois la collaboration difficile avec les fonctionnaires détachés d'autres ministères et les agents recrutés localement, au risque de créer une sorte de " paroisse " ou prévalent les rumeurs et la surveillance réciproque des carrières. Ce sont aussi dans des contextes géographiques difficiles - ils ne manquent pas - et dans des situations de crise que se révèlent des solidarités et des actes de courage remarquables qui caractérisent aussi le travail des diplomates, la dimension la plus occultée de leur travail.

Domaines

Sociologie
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-00987980 , version 1 (07-05-2014)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00987980 , version 1

Citer

Marc Loriol, Françoise Piotet, David Delfolie. Splendeurs et misères du travail des diplomates. Hermann, pp.552, 2013, Société et pensées. ⟨halshs-00987980⟩
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