Les accidents du travail et problèmes de santé liés au travail dans l'enquête SIP. (In)visibilités et inscriptions dans les trajectoires professionnelles - HAL Accéder directement au contenu
Rapport Année : 2012

Les accidents du travail et problèmes de santé liés au travail dans l'enquête SIP. (In)visibilités et inscriptions dans les trajectoires professionnelles

Résumé

L'analyse des carrières suite à un accident du travail ou une maladie d'origine professionnelle a donné lieu à une recherche (Thomas Amossé, Katia Barragan, Véronique Daubas-Letourneux, Fabienne Le Roy, Karine Meslin) financée par la Dares et la Drees dans le cadre d'un appel à exploitation de l'enquête Santé et Itinéraire professionnel (SIP). Cette recherche pose comme centrale la question des articulations entre l'inscription institutionnelle et l'inscription biographique des accidents du travail et des maladies ou problèmes de santé liés au travail. La question des (in)visibilités sociales et institutionnelles de ces atteintes à la santé, posée sous l'angle du temps long des parcours professionnels, est au fondement de l'analyse des données statistiques fournies dans l'enquête SIP, ainsi que de la post-enquête menée en complémentarité de cette analyse. Catégorie particulière en santé au travail, les accidents du travail sont rarement posés comme problème de santé publique. Sur la base des enseignements issus d'une enquête qualitative longitudinale antérieure menée auprès d'accidentés du travail, nous avons proposé de saisir l'opportunité apportée par l'enquête SIP pour étudier les accidents du travail sous l'angle du parcours de ceux qui les ont subis, dans une analyse quantitative conduite à grande échelle en population générale. Constatant un nombre particulièrement peu élevé de tels accidents déclarés dans l'enquête SIP, les premières explorations statistiques nous ont invités à étendre le questionnement des seuls accidents du travail aux problèmes de santé " causés ou aggravés par les conditions de travail ". Ce faisant, la problématique initiale s'est trouvée enrichie d'un questionnement sur les spécificités qui s'observent entre accidents et problèmes de santé, tant en termes d'(in)visibilité institutionnelle que de conséquences sur la carrière professionnelle et d'articulation entre ces deux aspects. Afin, d'une part, de valider le questionnement posé dans l'enquête SIP et d'autre part, de nourrir et d'alimenter l'analyse, trois sous-populations ont été ciblées pour l'analyse qualitative, parce que centrale ou en marge des questions d'(in)visibilité des accidents et problèmes de santé liés au travail : les ouvriers qualifiés de l'industrie et de l'artisanat, les travailleurs migrants et les indépendants (artisans, commerçants et agriculteurs). Deux axes de recherche ont structuré l'analyse. Le premier vise à interroger l'invisibilité des accidents du travail et des problèmes de santé liés au travail à un double niveau : celui de leur déclaration par les individus (dans l'enquête mais aussi d'une certaine manière à eux-mêmes) et celui de leur prise en considération par les institutions en charge de les indemniser. Le second axe concerne les liens observés entre l'itinéraire professionnel et les atteintes à la santé liées au travail. Nous avons cherché à voir dans quelle mesure les données SIP, complétées et enrichies par les entretiens, permettaient d'alimenter la connaissance sur les articulations complexes existant entre travail et santé au long de l'itinéraire professionnel, en portant une attention particulière au degré de visibilité/invisibilité institutionnelle des atteintes à la santé liées au travail. Pour cela, l'exploitation des données statistiques s'est focalisée sur les écarts observables entre le reconnu et le non reconnu dans les atteintes liées au travail. Les travailleurs indépendants, difficilement observables à partir des données SIP, ont fait l'objet d'une analyse qualitative approfondie sur la base des entretiens réalisés. La recherche a permis d'apporter différents éclairages statistiques et qualitatifs sur les questions posées au départ. Tout d'abord, sur le plan de la visibilité institutionnelle, l'enquête SIP et les entretiens réalisés sont venus confirmer que, dans le champ de la " santé au travail ", les accidents du travail tels que repérés ici, c'est-à-dire les plus graves ou/et ceux qui se sont accompagnés d'une perturbation de l'itinéraire professionnel, sont une catégorie de connaissance particulièrement visible et bien prise en charge par les organismes de Sécurité sociale. La relative automaticité de la prise en charge observée pour ces accidents se trouve toutefois nuancée pour les travailleurs indépendants, précisément pour les artisans et commerçants pour qui l'assurance accidents du travail est facultative. Mais c'est surtout pour les maladies ou problèmes de santé que la difficulté de dire ou de reconnaître le lien avec le travail est forte. Nos résultats viennent ici alimenter ce qui est déjà connu sur une partie de l'invisibilité sociale et institutionnelle des atteintes à la santé liées au travail. Non seulement la reconnaissance en maladie professionnelle est en soi un processus long, inscrit dans l'histoire des rapports de force aboutissant à la création des tableaux de maladies professionnelles. Mais cette reconnaissance est, avant la déclaration aux organismes de Sécurité sociale, un processus pour les personnes elles-mêmes, inscrit dans leur itinéraire professionnel et dans leur histoire personnelle, familiale et sociale. À côté de la prise en charge institutionnelle, la recherche a montré, via l'analyse statistique et via les entretiens, que la reconnaissance du lien entre une atteinte à la santé et le travail comportait des dimensions allant bien au-delà d'une réparation financière. Quelles que soient les conséquences en termes d'emploi (éviction du poste, de l'emploi ou, a contrario, maintien dans le poste ou dans l'emploi), la prise en charge institutionnelle semble agir comme un révélateur de l'attention que l'employeur, les collègues, et plus largement la société portent aux drames individuels que constituent les atteintes à la santé d'origine professionnelle. Ainsi, malgré une carrière parfois arrêtée prématurément et des troubles ou séquelles encore souvent perceptibles, les personnes interrogées dans SIP témoignent d'un regard particulièrement positif sur leur itinéraire professionnel quand leur accident ou leur problème de santé ont été reconnus comme étant liés au travail. Et ce, à gravité initiale donnée de ces atteintes à la santé. L'analyse des trajectoires d'individus victimes de maladies à caractère professionnel (c'est-à-dire déclarées en maladies professionnelles mais non reconnues comme telles) met à jour une double inégalité, couplée à la non prise en charge institutionnelle. Comparées aux victimes de maladies professionnelles reconnues, les individus ayant déclaré un problème de santé au titre des maladies professionnelles qui n'a pas été reconnu ont en effet à la fois une santé plus durement atteinte et un itinéraire professionnel jugé plus difficile.

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halshs-00979095, version 1 (15-04-2014)

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  • HAL Id : halshs-00979095 , version 1

Citer

Thomas Amossé, Véronique Daubas-Letourneux, Fabienne Le Roy, Karine Meslin, Katia Barragan. Les accidents du travail et problèmes de santé liés au travail dans l'enquête SIP. (In)visibilités et inscriptions dans les trajectoires professionnelles. 2012. ⟨halshs-00979095⟩
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Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
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