Entre nature et culture, le partage des corps ? / Between Nature and Culture, Sharing the Bodies?
Résumé
Contributing to the tradition of review articles published by the journal L'Homme in its "à propos" column, this text is based on commenting a significant work in order to make a critical summary of a field of research. With the aim of analyzing forty years of work devoted to the question of the body in French social science, the work called La Tentation du Corps [The Temptation of the Body] (Memmi et alii, Paris : EHESS, 2009) gives matter for discussion that this article extends to the treatment of corporeity in Anglo-Saxon social science. Unlike French researchers who mostly limit themselves to analyzing representations of the body and its usages according to groups, cultures or social classes, their Anglo-Saxon counterparts (e.g. Michael Jackson, Thomas Csordas, Nick Crossley) have developed a current of thought of embodiment in which practice is less an object to be explained than an initial viewpoint, both sensitive and embodied. Inheriting pragmatism and phenomenology (in particular that of Maurice Merleau-Ponty), the latest developments of such thinking remain little known in France. Based on direct contact with the senses, it nonetheless promises to renew our questioning about corporeity, at the crossroads of nature and cultures.
Contribuant à la tradition des review articles que publie la revue L'Homme dans sa rubrique " à propos ", ce texte s'appuie sur le commentaire d'un ouvrage marquant pour dresser le bilan critique d'un champ de recherche. Alors qu'il propose d'analyser quarante années de travaux consacrés à la question du corps dans les sciences sociales en France, l'ouvrage La Tentation du corps (Memmi et alii, Paris : EHESS, 2009) fournit les matériaux d'une discussion que cet article étend au traitement de la corporéité dans les sciences sociales anglo-saxonnes. À l'inverse des chercheurs français qui restent le plus souvent cantonnés à l'analyse des représentations du corps et de ses usages selon les groupes, les cultures ou les classes sociales, leurs homologues anglo-saxons (e.g. Michael Jackson, Thomas Csordas, Nick Crossley) ont développé une pensée de l'embodiment où la pratique constitue moins un objet à expliquer qu'une perspective de départ, à la fois sensible et incarnée. Héritière du pragmatisme et de la phénoménologie (notamment celle de Maurice Merleau-Ponty), l'actualité d'une telle pensée reste toutefois mal connue en France. Conçue en prise directe avec les sens, elle promet pourtant de renouveler nos questionnements de la corporéité à l'entrecroisement de la nature et des cultures.