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Communication dans un congrès Année : 2012

Luxe en images, images du luxe : les Soieries F. Ducharne dans L'Officiel de la couture et de la mode (1921-1972)

Résumé

Jusqu'à une période récente, le mot luxe n'a guère été associé aux soieries lyonnaises, ni par les entreprises qui les produisaient, ni par leurs acheteurs, ni même par la presse professionnelle ou destinée au grand public. Unanimement, les étoffes destinées à l'habillement caractérisées par la qualité de leurs matières premières, la sophistication des techniques mises en oeuvre et la créativité de leur décor, autant dire les étoffes de luxe ont, dès le début du XIXe siècle, été dénommées " de haute nouveauté ". Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'évolution du marché du luxe parisien, à travers l'émergence de la haute couture, influe sur l'organisation des entreprises textiles lyonnaises qui les fournissent, et adaptent leurs structures. Les maisons de haute nouveauté forment un groupe spécifique au sein de la puissante fédération patronale, la Chambre syndicale de la Fabrique lyonnaise, qui organise avec la Chambre de Commerce de Lyon de nombreuses expositions de leurs produits ; elles développent la fabrication d'unis légers et d'imprimés tissés mécaniquement dans leurs usines et adoptent le rythme de la couture en élaborant des collections bisannuelles. Pour les soyeux lyonnais, le marché de la haute couture, au-delà de la fourniture de métrages pour les modèles des collections et la médiatisation qui en résulte, favorise les exportations pour les pièces destinées à leur reproduction par les maisons de couture et les grands magasins qui en ont acheté les droits en Europe, en Amérique du nord et du sud, dans les colonies. Sur ce marché très disputé, quelques fabricants lyonnais émergent sur la longue durée. Parmi eux, les Soieries F. Ducharne, fondées en 1920 par François Ducharne qui, jusqu'à sa fusion dans les années 1970 avec la société Artissu, a collaboré avec plusieurs générations de couturiers parisiens, de Poiret, Vionnet, Lelong, Schiaparelli, Molyneux, Patou, Chanel et Rochas à Dior, Balenciaga, Givenchy, Fath, Balmain, Nina Ricci, puis Saint Laurent, Féraud, Cardin, Jacques Griffe, Guy Laroche... Les archives des Soieries F. Ducharne ont presque entièrement disparu, cependant ses étoffes sont connues grâce aux échantillons et aux vêtements de haute couture conservés dans les collections publiques et privées. Surtout, les magazines de mode, dont le nombre a augmenté parallèlement à celui des couturiers et qui constituent de puissants vecteurs de propagande pour la haute couture parisienne, contiennent de nombreuses mentions de sa production et de ses marchés ; parmi eux L'Officiel de la couture et de la mode, né en 1921 sur le modèle du Vogue américain. Mêlant haute couture, mondanités et arts, L'Officiel procure de multiples informations sur les Soieries Ducharne : les collections d'étoffes sont régulièrement décrites et dessinées puis photographiées dans les rubriques rédactionnelles, des modèles réalisés avec leurs produits sont présentés dans les pages de reportage et dans les cahiers publicitaires insérés aussi bien par les couturiers que par les fabricants d'étoffes. D'autre part, la maison elle-même achète des pages de publicité consistant, selon les périodes, dans la mise en scène graphique de son identité créatrice ou dans la présentation de ses produits, mettant en avant telle nouvelle qualité (Crêpe Banquise en albène et soie, 1933). La communication proposée s'attachera à examiner l'ensemble de ces éléments. D'une part, il s'agit de considérer ce qui définit le caractère luxueux de la production des Soieries F. Ducharne, selon une approche objective de sa qualité et de ses clients couturiers, qui permettra de caractériser la singularité de la marque Ducharne. D'autre part, à travers les publicités publiées dans L'Officiel et en prenant en compte la destination du médium (professionnels de la mode et consommatrices d'objets de luxe ou d'images du luxe), on cherchera à dégager la stratégie de communication de Ducharne. On posera entre autres la question de leur statut au sein de la fabrication de l'image de l'entreprise, parmi d'autres actions : 12 collaboration avec Colette (préfacière de l'album 28 compositions de Michel Dubost, pour des tissus de soie réalisés par les soieries F. Ducharne publié à Lyon en 1930), " tableaux " revêtus de soieries Ducharne dans des revues de cabaret, médiatisation de l'hôtel particulier construit par l'architecte Patout et décoré par l'ensemblier Jacques-Émile Ruhlmann... Sur la longue durée (1921 à 1972), Ducharne obtient plus de citations que la plupart de ses concurrents lyonnais (la maison apparaît dans 262 numéros sur les 596 parus) : on montrera que la structure même de l'entreprise en constitue une raison majeure. Société anonyme dès 1928, contrairement à la majorité des fabricants lyonnais dont les entreprises fonctionnent sur le mode du capitalisme familial, les Soieries F. Ducharne sont incarnées par la personne de leur fondateur - tout comme le couturier incarne l'entreprise qui porte son nom -: par exemple, le mariage de sa fille Monique avec Jean Berliet, le 14 octobre 1933, a été annoncé dans L'Officiel par un portrait pleine page de la mariée, la légende précisant que sa robe " en satin duchesse blanc nuptial " était une création de Madeleine Vionnet - dont il est l'un des principaux fournisseurs. Au total il s'agit, dans le secteur particulier de l'industrie textile, d'observer l'évolution du marché du luxe et de ses représentations depuis le moment où la haute couture constituait la ressource vestimentaire commune des femmes de la " bonne société ", comme on les qualifiait alors, jusqu'à l'amorce de sa transformation en secteur du luxe inaccessible, répondant essentiellement à des logiques de marketing

Domaines

Histoire
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Dates et versions

halshs-00833485, version 1 (12-06-2013)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00833485 , version 1

Citer

Florence Charpigny. Luxe en images, images du luxe : les Soieries F. Ducharne dans L'Officiel de la couture et de la mode (1921-1972). Le luxe du commerce. Production, exposition et circulation des objets précieux du Moyen Âge à nos jours, Nov 2012, Lyon, France. ⟨halshs-00833485⟩
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Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
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