L'intime au pouvoir
Résumé
En quoi la vie intime peut avoir une incidence politique directe ? Dans l'ère du " storytelling ", l'art du récit est d'articuler des arguments commerciaux autour de l'origine d'un produit ou d'une personne, ce qu'a démontré Christian Salmon dans son livre Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits (2007). Consommateurs et électeurs se confondent souvent dans ce " linguistic turn " capitaliste qu'Yves Citton a identifié comme un des ressorts du libéralisme (Mythocratie. Storytelling et imaginaire de gauche, 2010). On a pu s'en rendre compte dans les médias, la mythologie biographique d'un personnage public contribue pour beaucoup à sa crédibilité politique : il s'agit de lui constituer un ethos à partir d'un agencement narratif à même d'emporter l'adhésion de l'opinion publique. Exposer son intimité dans le domaine politique serait-il propre à l'idéologie libérale ? Prônant le règne de l'individu contre le collectivisme, on peut se demander dans quelle mesure la surexposition de l'intime ne correspond pas dans le même temps à une glorification outrancière de l'individu dont les conséquences sociales sont finalement plus importantes qu'on ne l'imagine. En revenant sur les grandes analyses des penseurs de l'individualisme dans les années 70 (Christopher Lasch, La Culture du narcissisme et Richard Sennett, Les Tyrannies de l'intimité, 1979) et en les mettant en perspective avec des analyses plus récentes (Bernard Lahire, La Culture des individus, 2004 et Jean Claude Kaufmann, L'invention de soi, 2004), l'article tente de comprendre, avant une grande échéance électorale, comment la " transparence intime " est utilisée à des fins politiques.
Origine :
Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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