Disciplinarité et instances de légitimation d'un domaine de recherche : la didactique du français et des langues au CNU

Dan Savatovsky (1)

1 HTL - HTL - Histoire des Théories Linguistiques - UMR 7597

Cet article vise à préciser certains aspects de la disciplinarisation de la didactique du français en France, dans la période 2003-2010. Par disciplinarisation, on entend d’abord – au sens étroit des termes – les conditions et les formes de reconnaissance institutionnelle de ce domaine et les changements qu’elles ont subi depuis une dizaine d’années. Les données sur lesquelles porte l’analyse sont principalement les intitulés et les résumés des thèses de doctorat figurant dans les dossiers de candidature soumis à la 7e section du CNU en vue d’une qualification. Il s’agit, d’une part, de dégager les grandes tendances des recherches doctorales en didactique et, d’autre part, d’étudier les critères de sélection en vigueur au sein d’une des instances de légitimation de ces recherches. Par disciplinarité, on comprend aussi – plus largement – l’inscription de la didactique du français au sein des sciences du langage. L’examen des dossiers de candidature CNU contribue ainsi à (i) préciser le dessin de ses frontières. Frontières internes : lignes de partage entre les champs du FLM, du FLE, du FLS, etc. Frontières externes : délimitation du périmètre de la didactique du français au sein du champ plus vaste de celle des langues ; relations de voisinage avec les domaines connexes – que la 7e section considère qu’ils relèvent de sa juridiction (recherches en acquisition ou en cognition, psycholinguistique, sociolinguistique, etc.) ou qu’ils n’en relèvent pas (didactique de la littérature, sciences de l’éducation, etc.) ; (ii) ébaucher une typologie des objets de recherche en didactique du français. On cherche à croiser, à cet effet, les données issues des dossiers CNU avec d’autres données : politique éditoriale des revues de didactique ; conditions d’accueil des travaux du domaine par les revues généralistes en SDL, par les revues spécialisés dans d’autres domaines des SDL ou dans d’autres domaines que les SDL (littérature, notamment) ; politiques de création d’emplois universitaires (profil « recherche » des fiches de poste), plans de formation universitaires (IUFM compris), orientations des écoles doctorales. Enfin, l’étude de la disciplinarisation de la didactique du français gagne à prendre en compte d’autres facteurs – des facteurs qu’on évoque très succinctement dans le cadre de cet article. Il s’agit en particulier (iii) des effets en retour que la politique linguistique ou éducative et la demande sociale exercent sur la structure et les orientations de la recherche. On sait à cet égard que le nombre relativement faible, parmi les dossiers soumis au CNU, de ceux qui relèvent du FLM au regard de ceux qui relèvent du FLE s’explique par les modalités respectives de recrutement des enseignants (par concours, d’un côté, suivant le « libre » jeu du marché, de l’autre) ; (iv) de l’organisation de la recherche en France (organisations de colloques, création d’écoles de pensée, de laboratoires, de sociétés savantes, etc.) ; (v) des autres modes de légitimation des savoirs, parmi lesquelles on fait un sort à l’histoire sui-réflexive de la didactique des langues, à l’histoire telle que les didacticiens et les historiens de la linguistique et/ou de la didactique l’ont eux-mêmes écrite dans la période récente. Une histoire qui concourt à construire (ou à reconstruire) l’image d’une discipline dont l’annonce de ce numéro de Pratiques présuppose qu’elle ferait l’objet d’un « ostracisme ou (d’un) clivage du domaine par les disciplines mères (linguistique, littérature) et les organes d'évaluation de la recherche ».

Mots clés: Disciplinarisation de la didactique des langues

Domaines: Sciences de l'Homme et Société

Dan Savatovsky. Disciplinarité et instances de légitimation d'un domaine de recherche : la didactique du français et des langues au CNU. Pratiques : linguistique, littérature, didactique, 2011, 149-150, pp.25-40. ⟨halshs-00735292⟩