Judith Butler et la subversion des normes. Pouvoir être un sujet - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2012

Judith Butler et la subversion des normes. Pouvoir être un sujet

Isabelle Huault
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 840301

Résumé

Quel est le pouvoir des normes et des discours ? Dans quelle mesure des mots, des techniques, des pratiques sociales influencent-ils et délimitent-ils nos possibilités d'action, nos conceptions du monde, des autres et de nous-mêmes ? S'inspirant des travaux de Gramsci (Levy et Evan, 2003), d'Habermas (Shrivastava, 1986 ; Willmott, 2003 ; Samra-Fredericks, 2005), de Foucault (Hopwood, 1987 ; Townley, 1993, 1995 ; Knights et Morgan, 1991 ; 1995), de Bourdieu (Oakes, Townley et Cooper, 1998) ou encore de Derrida (Cooper et Burrel, 1988 ; Kilduff et Mehra, 1997), un nombre croissant de recherches en management s'attache à problématiser le regard que nous portons sur les objets, matériels ou discursifs, de la gestion. Bien que s'appuyant sur des courants théoriques variés (voir Alvesson et Deetz, 2000), ces travaux considèrent tous à leur manière que les outils, techniques, pratiques, vocabulaires et connaissances que la gestion élabore et mobilise, sont des phénomènes socialement et historiquement construits. En interrogeant la constitution des normes de sexe et de genre (in Gender Trouble, Feminism and the Subversion of Identity, 1990 ; Bodies that Matter : on the Discursive Limits of " Sex ", 1993), le pouvoir des discours de haine et les efforts de l'État pour les réglementer (in Excitable Speech, A Politics of the Performative, 1996), ou encore leurs effets psychiques (in Psychic Life of Power, Theories in Subjection, 1997), le travail de Judith Butler relève pleinement de cet engagement critique. Elle envisage ainsi le genre comme une performance, c'est-à-dire un ensemble d'actes corporels et discursifs qui, répétés, font advenir ce dont le discours sur le genre parle en créant l'illusion d'un 'noyau interne' organisateur, d'un 'soi genré' naturel. Si l'œuvre de Judith Butler est souvent rabattue aux seules questions du genre et des minorités sexuelles, ses contributions relèvent d'un projet théorique et politique plus large : interroger les normes et discours qui se donnent à nous, en révéler et en subvertir les limites. En ce sens, son projet peut être considéré comme exemplaire du mouvement (ou de la théorie) 'Queer', entendu non comme la seule étude des pratiques et identités sexuelles marginales (gay, lesbienne, drag ou trans), mais comme une " guerre de mouvement au sein du présent, une volonté de s'engager avec le présent, dont, bien sûr, le management " (Parker, 2002, p. 159). Quels sont précisément les effets corporels et psychiques des discours et des normes que nous agissons ? En quoi ces normes et discours nous forment-ils ? Quelles possibilités avons-nous de les subvertir ? Sur ces questions, les travaux critiques en management se sont développés en déployant une lecture bipolaire de Foucault. D'aucuns (voir Townley, 1993 ; 1995) considèrent ainsi que les techniques et discours de gestion marquent les comportements et la subjectivité des acteurs ; d'autres envisagent ces marques, par leur multiplicité, comme autant de ressources (notamment discursives et subjectives) mobilisables par le 'sujet-acteur' pour leur résister (voir Knights, 2002 ; Laine et Vaara, 2007 ; Samra-Frederick, 2005 ; Thomas et Davies, 2005). À cette lecture bipolaire, Butler substitue une vision subtile et complexe du caractère formatif du pouvoir. Elle souligne ainsi (Partie 1) que si la conscience que nous avons de nous-mêmes est bien un effet du pouvoir, notre vie psychique ne saurait être réduite à ces seules inscriptions. Notre conscience est un espace spécifique : il se creuse et acquiert par là une topographie particulière à mesure des renoncements et limites que le pouvoir nous impose. Ces mécanismes spécifiques 'd'incorporation' psychique s'accompagnent également d'effets plus directement corporels (Partie 2). C'est précisément dans cette dimension corporelle du pouvoir que Butler situe ses possibilités de subversion. L'exercice du pouvoir suppose que les normes et discours soient répétés, répétition qui peut venir excéder les limites que ces discours et normes nous donnent.
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Dates et versions

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Identifiants

  • HAL Id : halshs-00733006 , version 1

Citer

Florence Allard-Poesi, Isabelle Huault. Judith Butler et la subversion des normes. Pouvoir être un sujet. Les grands inspirateurs de la théorie des organisations, EMS, pp.422, 2012. ⟨halshs-00733006⟩
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